Quand on regarde bien, il n’y a pas beaucoup de raisons pour faire de moi un rebelle. Bon d’accord, en étant objectif, j’en n’ai toujours fait qu’à ma tête, ça va ! Mais de là à m’opposer presque ouvertement à la main qui m’a nourri, il aurait fallu beaucoup d’imagination. Voyez plutôt...

Je suis né à Sanctuary, dans les quartiers les plus riches possibles de la ville. Normal, mon père était un cadre supérieur d’Hyperion, le genre qui est en charge de pleins de dossiers ultra importants, sérieux et bla bla bla... ennuyeux surtout. Mais bien payé. En conséquence de quoi, vous imaginez bien la jeunesse dorée, l’argent de poche en quantité, mon propre véhicule quand j’en ai eu l’âge et tout les privilèges du rang. Notamment le fait de n’avoir jamais eu besoin de me fouler beaucoup à l’école ou d’imaginer ma future profession.
Histoire de me mettre un peu d’eau dans mon vin, mon père m’a fait intégrer une école destinée aux cadres d’Hyperion. J’aurais bien aimé me spécialiser dans la cybernétique, vu que j’adorais fabriquer des trucs électroniques déjà à l’époque, mais ce n’était pas assez smart pour mon père.
J’ai donc intégré l’école de son choix. Je me suis tellement investi là dedans qu’a 25 piges, j’y étais encore. Il faut dire que les fêtes de campus et les petites étudiantes étaient un domaine dans lequel j’avais plus envie de dépenser mon énergie.
Pourquoi je parle spécifiquement de mes 25 ans ? C’est pas un bel âge ? Bon ok, c’est aussi l’année où je l’ai rencontrée. Elle était prof assistante d’un des titulaires - logique - et jeune. Toute jeune, elle avait l’air facile à déstabiliser. Et belle. Vraiment. Pas juste jolie, non. Le genre qui fait bien quand on la ramène à la maison après une soirée, vous voyez ? Au début, c’était juste un jeu. Mais elle n’était pas juste belle. Je suis allée la voir un peu plus tard. pas pour m’excuser, non. Juste pour voir si elle en avait plus sous le capot que juste un joli minois. Il s’avèra que lorsqu’il n’y avait pas toute la classe pour ricaner, elle avait du répondant. Et puis les copains avaient tous flashé sur elle, du coup, je me suis fait un point d’honneur d’arriver à la faire succomber à mes charmes. Hey rigole pas, j’ai réussi ! J’ai tellement bien réussi qu’elle m’a offert un de ses bracelets spéciaux qui lui permettent d’utiliser son pouvoir de siren. Oui parce qu’en plus, c’est une siren. Un vrai fantasme sur pied, je peux même redessiner ses tatouages d’eridium de mémoire tellement je les ai vus, touchés, caressés, embrassés...... hein ? Oui, j’en ai profité. On s’est bien amusé ensemble. Enfin moi surtout. Mais elle a fini par me larguer et disparaître. C’est là que j’ai compris que... mes... sentiments... pour elle... étaient plus profonds que juste le fun. Que je ne le lui avais pas assez montré. Et qu’il était trop tard.

Enfin la vie a continué, hein... elle est trop courte pour s’enferrer dans les regrets et de toute façon, je n’avais aucun moyen de réparer. Son bracelet ne m’a jamais quitté depuis qu’elle me l’a offert, mais je n’ai jamais eu la moindre preuve qu’elle s’était servi de ce lien, et ce n’est pas faute de l’avoir espéré...

Après l’école - j’ai quand même fini par être diplômé, grace à mon père - j’ai intégré Hyperion, en cybernétique. Le seul domaine où j’étais naturellement très doué. J’ai bossé tranquillement, gravi quelques échelons, jusqu’a mes 30 ans, age auquel mon père a décidé qu’il était temps de se concentrer sur la dynastie Thorburn, et donc de me trouver une épouse. C’est comme ça que je me suis trouvé assigné d’office à la permanence du country club, à tous les événements mondains de la haute société pandorienne, les cérémonies, inaugurations bla bla bla... un tas de trucs ennuyeux où on me présentait un tas de célibataires plus ou moins jeunes, plus ou moins intelligentes, plus ou moins belles bwaaa... l’enfer sur terre... vous n’imaginez pas combien d’alcool j’ai du ingérer pour supporter ces mondanités, ni de combien d’excès de vitesse j’ai écopé pour évacuer la frustration. J’ai même fini arrêté, une fois. Oui, vous avez un repris de justice devant vous ! La classe hein ?
Bref j’ai tenu 2 ans à ce rythme avant d’en avoir maaaaarre et de tirer à la courte paille laquelle de ces demoiselles allaient remporter le trophée - moi.

J’ai renouvelé le tirage trois fois - pas question d’épouser une verrue sur le nez ou une femme plus grande que moi - et c’est tombé sur Chlorisse Daniels. Une charmante petite blonde pas très maligne, qui souriait tout le temps à tout le monde et qui me regardait - avec raison - comme l’homme le plus exceptionnel de la planète. Ç’aurait pu être pire...

Nous avons célébré les fiançailles dans l’opulence, et le mariage dans un faste à la limite de l’indécence. Tout pour être heureux. Pourtant... le jour du mariage, je me suis retrouvé seul un peu avant le début de la cérémonie, et j’ai regardé son bracelet un long, long moment. Chlorisse n’a jamais rien demandé à ce propos. Je sais pas si c’est de la bêtise ou du respect, mais je la remercie pour ça.
J’ai regardé le bracelet, et j’ai attendu. Quoi exactement ? Je ne sais pas. Qu’elle se manifeste. Qu’elle m’arrête. Qu’elle revienne. J’ai attendu. Je crois que je l’ai même appelée à voix haute - j’ai du avoir l’air idiot, heureusement que j’étais seul. Mais il ne s’est rien passé. Pourquoi se serait-il passé quelque chose ?
Ma mère est venue me chercher, je lui ai servi mon plus beau sourire, elle m’a dit que j’étais superbe - normal- et nous avons terminé cette journée de bonheur tous ensemble.

Et puis la vie a continué. J’ai pris du galon à Hyperion grâce à mes talents indubitables. Chlorisse et moi avons eux deux enfants, deux garçons : Nick et Brian. La petite famille parfaite, pendant 15 ans. Et puis Chlorisse a voulu qu’on se sépare. Des histoires de sentiments pas assez forts, d’un autre gars qui la fait vibrer, bla bla bla... j’ai pas tout compris sur ses raisons, mais ma foi, je savais bien que je l’avais épousée pour des motifs décoratifs et dynastiques. Ça a bien marché sur les deux points, elle n’a jamais été malheureuse, mais je dois bien reconnaître que quand elle m’a annoncé sa décision, j’ai jeté un coup d’œil à mon poignet. J’allais pas lui faire des problèmes, à Chlorisse, ne serait-ce que parce que ça aurait rendu les garçons malheureux. Ça a jamais été la passion avec leur mère, mais eux, je les adore. Bref elle est partie et on partage la garde des gamins. Son nouveau mec la rend heureuse et se comporte pas comme un connard avec les garçons, donc tout va bien.

J’ai commencé à vivre une vie de ouf. J’avais 48 ans, plus d’attache et soyons honnêtes, toujours beau gosse. Quand Nick et Brian étaient chez leur mère, c’était un enchaînement de fêtes, soirées, alcool et charmantes jeunes femmes. Non que l’âge soit un critère, en fait. Tant qu’elles étaient charmantes et entreprenantes, ça m’allait.

Pendant deux ans, je me suis bien amusé comme ça. De l’argent, de l’alcool, des filles, du succès.
Et puis il s’est avéré qu’Hyperion a eu un « petit » désagrément d’ordre financier et sécurité. Espionnage industriel. Ils ont mené une enquête à grand bruit, clamant leur désire de justice. Sauf que leur enquête a été menée comme des glands, ou alors ils n’avaient pas envie de se fatiguer. Où il leur fallait une cible rapidement, pour montrer leur détermination, leur efficacité ? J’en sais foutre rien. Toujours est-il qu’ils ont jeté leur dévolu sur mon père. Un vieux monsieur de 85 ans qui continuait à servir fidèlement Hyperion depuis tout ce temps. Mais ils n’en ont rien eu à foutre, ils l’ont broyé, ruiné, déconsidéré. Le seul égard qu’ils ont pour son âge, ca a été de ne pas le placer en détention. Pour le reste... il n’a plus rien.
Quant à moi, j’ai été placé sous surveillance pour la forme, parce que je suis le fils de mon père, mais ni lui ni moi n’avons rien fait contre Hyperion.
Ce manque de loyauté envers des employés fidèles a quelque peu bouleversé ma vision des choses. Enfin si on veut... j’ai surtout rapidement eu envie de broyer cette boîte. Les punir de ce qu’ils avaient fait à mon père - et à ma mère, par extension.

Avec des recherches discrètes, j’ai réussi à remonter jusqu’à la rébellion. Une chose est claire : j’aurai ma revanche.