« Et toi, tu sais faire ça ? » « Pfffffff non mais je suis sûr que Riley non plus alors on s’en fout. » « Trent, surveille ton langage. On dit « on s’en fiche » ou « ça nous est égal. » Les deux petits blondinettes acquiescèrent avant de pouffer de rire en portant leurs mains à leurs lèvres, Riley savait qu’elle n’avait pas la moindre forme d’autorité sur les deux petits derniers du groupe, des jumeaux du genre turbulents, qui avaient décidé d’écouter Stella depuis qu’ils l’avaient vu faire de la magie avec deux-trois gadgets. Mais tant pis, elle n’était pas leur mère, elle leur offrait juste un peu de sécurité, un toit et à manger, donc finalement ils pouvaient dire autant d’obscénités qu’elle, ça ne comptait pas vraiment. Le petit carillon de l’entrée du bordel lui fit relever la tête de ses mots croisés.

« J’reviens les moches … euh les mioches. » Sourire moqueur aux lèvres, la brunette prit une inspiration et changea de rôle, de la gentille et douce maman Riley vers la Riley qui ajustait sa poitrine dans son décolleté et vérifié la chute de sa jupe. Un client et un nouveau, installé au bar où elle ne voyait que très rarement du monde, et pour cause, tous préféraient se payer une bonne vingtaine de minutes de plaisir à l’état brut plutôt qu’un verre. S’avançant derrière le bar, malheureusement plutôt vide mais fort heureusement pourvu de deux ou trois bouteilles et une dizaine de verres que les gosses avaient pas cassé, Riley vint s’accouder devant le type au chapeau.

« Hey cow-boy, j’vous sers un verre ? » Un sourire étira ses lèvres rosées alors qu’elle récupérait la bouteille à portée de main. Du … whisky ? Sans doute cinquante d’âge, sans doute frelaté, qu’importe, elle ne buvait pas beaucoup. Pas du tout même. « Dure journée ? » demanda-t-elle en servant un verre, sommairement dépoussiéré contre les volants de sa jupe, qu’elle fit glisser vers son client. Client du bar, assez étonnant pour être mentionné. Ce qui était étonnant c’était que lui non était pas du genre désagréable à regarder. Se penchant sur le côté, Riley jeta un regard vers la rue. Non, pourtant son bordel était toujours situé dans les bas-fonds de Sanctuary, à croire que la population avait changé depuis que Nate était passé par là. Elle secoua la tête en pensant au brun avant de se reconcentrer sur le cow-boy.

La bouteille remise à sa place, Riley quitta le bar et vint poser ses fesses sur le tabouret près de cow-boy. « J’m’appelle Riley, cet établissement m’appartient et … j’suppose que t’es pas juste venu pour t’rincer l’gosier alors … qu’est-ce que j’peux faire pour toi … ? Cow-boy ? » Il avait bien un prénom, même si rien l’obligeait à lui donner. C’était toujours mieux de connaître leur prénom, pour instaurer la confiance, sans doute aussi parce que ça lui donnait l’impression de contrôler et maîtriser un peu mieux les événements et ses clients.

Une fusillade ? Riley afficha une moue signifiant à la fois qu’elle comprenait et que c’était plutôt désespérant, tout en haussant les épaules. « Peut-être que toi tu as tiré le ticket gagnant … » En entrant ici, forcément, enfin pas forcément. Peut-être qu’il allait se faire plumer comme les autres sans avoir l’occasion de la plumer elle, mais c’était ça, son fonds de commerce. Facile de faire miroiter mille et un plaisirs à des types qui vivaient dans une misère encore pire que la sienne, dans le fond le vrai challenge ça serait de faire de même avec des types friqués, déjà pour leur soutirer un max de blé, mais aussi pour … ma petite fierté personnelle. Riley laissa ses pensées et rêves de grandeur filer pour se concentrer sur son potentiel futur client, sinon pourquoi aurait-il passé la porte de ce bouiboui ?

« Jacen, et tu es venu boire un verre ? Tu es une espèce rare … » Un sourire presque moqueur étira ses lèvres, sourcil relevé avant qu’elle ne secoue la tête. La suite en revanche fit gonfler son égo, de bonnes rumeurs sur son établissement, parfait cet empaffé de Nate avait pas été baver à droite à gauche sur la prestation qui ne répondait pas à ses attentes – alors qu’elle y répondait parfaitement. « Un moment de … calme, oui … hm … » La brune se retint de vérifier auprès du cow-boy si le but de cet établissement lui échappait ou non, elle verrait bien, et finalement si elle pouvait lui faire raquer un max pour ce verre d’alcool frelaté, sans avoir à user de son pouvoir, ça serait gagnant-gagnant, pour elle.

Un fournisseur, donc il venait à Down-Town pour quelques courses ou échanges de bons procédés, bien, Riley nota l’information dans un coin de son esprit avant d’éclater de rire à imaginant un skagg en tutu rose danser une valse. Okay, le cow-boy avait au moins de l’humour. « Oh non j’suis sûre que ce whisky est à peine bon à désinfecter des chiottes mais … chéri j’vais être honnête, on fait pas vraiment dans le débit de boissons par ici … » Un clin d’œil ponctua sa phrase avant qu’elle ne reprenne. « Tu fais les livraisons à domicile ou une exception ? » Un futur client régulier ? Ça se tentait, Riley ne crachait pas sur une clientèle moins pouilleuse, plus éduquée. « Tu as bien fait de pousser ma porte, ça n’a jamais déçu ni fait de mal à personne … » Mordillant sa lèvre, la brune gloussa avant de reprendre un air plus sérieux en écoutant la réponse de Jacen.

Elle pouvait faire quelque chose pour lui, on y venait enfin, au pourquoi du comment il était vraiment ici. Ou pas. « Bah d’mon côté j’peux t’aider à tuer l’temps dans la pièce à côté pour une somme vraiment dérisoire mais … en même temps j’pense que j’aurais l’impression de vraiment t’arnaquer ou d’abuser de ta candeur, j’suis pas sûre … Donc … » Riley récupéra une pince dans ses mèches brunes, en libérant quelques-unes au passage, pour la brandir devant elle. « J’t’aide à entrer, récupérer ton dû et repartir, le tout en toute discrétion. Ca aura un prix aussi, autre qu’une bonne bouteille de whisky. Tu choisis cow-boy … » Son regard clair se planta dans celui du visiteur.

« Il faut, tout c’qui sort de ma bouche est un compliment. J’suis adorable. » Sourire presque enfantin et innocent rivé aux lèvres, Riley papillonna un instant avant de glousser. Quiconque connaissait l’enseigne savait qu’elle était ni enfantine ni innocente, non, ce n’était pas ce genre de mauvaise personne, elle ne faisait que survivre ici, en arnaquant un ou deux abrutis qui voulaient bien raquer en échange de quelques minutes au paradis, un paradis qui se trouvait pas entre ses cuisses, son honneur était sauf. Sa conscience ? Pour quoi faire ? Son regard bleu glissa sur le verre que Jacen levait à sa santé en confirmant la piètre qualité de la boisson. Tu parles Charles, ce truc devait dater d’avant la mort de Flora, si ce séduisant cow-boy sortait pas d’ici les pieds devant, elle irait brûler un cierge. Les miracles existeraient.

« Qu’est-ce qui te fait dire que mon arme est pas sur moi ? » Et là, Riley mentait pas, croix de bois, croix de fer, un truc du genre. Son arme, elle était sur elle, à même sans peau, dans son sang, et dans une moindre mesure dans son décolleté, parce qu’un homme serait toujours un homme, à moins qu’il aime les hommes. « Deal, t’as intérêt d’assurer parce que j’ai une excellente mémoire. » Non, elle aurait sans doute oublié le lendemain, mais jouer d’un peu d’assurance et de menace n’avait jamais fait de mal à personne. Prête à passer à la vitesse supérieure en matière de marketing agressif, Riley se redressa finalement sur son tabouret, écarquillant ses billes claires en détaillant le cow-boy.

Elle rêvait pas, là ? Elle se faisait rembarrer par un client potentiel là où certains étaient déjà au garde à vous à faire pleuvoir les billets sur sa peau de porcelaine. « C’est pas une offre limitée dans le temps. » Contrairement à la vie de sa patiente ? « Heureusement qu’t’as une bonne raison, sinon j’aurais cru qu’il me manquait trois éléments essentiels entre les jambes ou que t’étais du genre soutane … Ça aurait été dommage. » Moins vexant sans doute maintenant qu’elle y pensait, personne pouvait lutter contre la puissance d’un service trois pièces ou contre le tout puissant. La pensée la fit rire pour elle-même avant qu’elle ne se propose de l’aider avec son souci de livraison, ou de réception de commande, bref, son souci.

2000 crédits maintenant, 2000 de plus quand c'est fini. Riley manqua d’en tomber de sa chaise, c’était au moins dix passes ça, nom d’un p’tit bonhomme en peau d’couilles. « Cow-boy, à c’prix-là j’te fais la visite guidée de ce coin pourri. T’en fais pas pour la bouteille, la qualité ça s’attend pas, ça se fait languir. » Puis elle en boirait sans doute pas, personne en boirait et elle pourrait un jour tenter de tuer un nouveau client potentiel. La brunette tendit sa main et serra celle de Jacen, c’était pas tous les jours qu’elle pouvait se faire autant de crédits sans user de son pouvoir et papillonner des heures pour faire croire à un type très lambda qu’il était canon. Au moins avec Nate elle avait pas eu à faire semblant … enfin façon de parler.

Se laissant glisser de sa chaise, Riley fit mine d’ajuster un chapeau qu’elle portait pas en s’esclaffant. « Tu m’montres le chemin, j’crochète la porte pendant qu’tu montes la garde. Et si j’me fais prendre – sans mauvais jeu d’mots – j’saurai te retrouver pour te faire bouffer ton service trois pièces, alors tu m’lâches pas, okay ? » C’était pour lui après tout, pour 4000 putains de crédits il pouvait bien assurer son investissement. Attendant sa confirmation, Riley marcha finalement vers la porte, trouvant bien rapidement l’air froid mais étrangement saturé de moiteur de Down-Town, sans doute l’avantage de vivre dans un trou. Elle en sourit encore avant de suivre ses indications, se décidant à faire la discussion. « Du coup, t’es du genre … guerrier solitaire, médecin à ses heures ? C’est quoi l’délire au juste ? »

Le chapeau épousa parfaitement la forme de son crâne, comme s’il avait été cousu main pour elle, peut-être qu’elle finirait par investir … Non peut-être pas. « J’serai digne de ce couvre-chef. » Et sur ces mots, Riley quitta l’établissement, suivant les indications de Jacen tout en faisant la discussion, sans doute parce que c’était pas tous les jours qu’on lui offrait autant de crédit sans avoir besoin de jouer les amoureuses ni d’utiliser son don, un miracle. Un don du ciel. Une vraie aubaine qui allait permettre de nourrir les gosses pour quelques semaines, alors Riley pouvait bien échanger quelques mots avec le cow-boy médecin.

Il était vraiment médecin, et il semblait vraiment se soucier des gens. La brunette haussa les épaules avant de tourner la tête vers lui, esquissant un sourire. « C’était médecin ou croque-mort pour jamais manquer de boulot, remarque ma branche est plutôt porteuse aussi, y’a toujours un con ou deux qui ont besoin de compagnie. » Suffisamment con pour pas caler qu’elle les touchait pas, suffisamment désespéré pour s’en satisfaire, Riley ne se plaignait pas de sa clientèle, la plupart du temps ils étaient tous satisfaits et revenaient, presque tous. « C’est plutôt rare de trouver quelqu’un qui se soucie des gens, indépendamment de tout un tas de facteurs que d’autres jugeraient rédhibitoires. » Pas sûre que le mot veuille bien dire ce qu’elle pensait qu’il voulait dire, Riley reprit.   « J’veux dire, beaucoup s’encombrent pas de soigner des bandits ou des voleurs ou des tueurs ou des demoiselles de peu de vertu, ou encore des rebelles ou des gens d’Hyperion. Enfin, j’suppose que pour certains, plus t’as d’blé et plus tu mérites d’être soigné mais … si t’en tiens pas compte, c’est tout à ton honneur et c’est donc un honneur d’aider à cette noble cause. » Pour quatre milles putain de crédits, fallait le rappeler.

Une part d’elle hésitait à lui parler de la réalité de son business, pas le coté illusion, le côté orphelinat caché pour gosses abandonnés, mais pour ce qu’elle en savait Jacen était un espion à la solde d’Hyperion. Aussi gentil soit-il, mieux valait se taire. Ils arrivèrent finalement devant la porte à crocheter. « Ca fait quelques temps que j’ai pas fait ça, ça pourrait prendre quelques minutes, tu montes la garde. » Relevant le bord du chapeau, la brune se laissa tomber à genoux devant la serrure, jouant aussi discrètement que possible de deux barrettes pour faire céder le verrou. Cette saloperie était grippée, difficile à actionner. « Juste pour précision, j’ajoute d’ordinaire pas le vol à mes talents, j’essaie de pas multiplier les clichés. » plaisanta-t-elle avant d’entendre des pas qui approchaient. Merde !

Ni une ni deux, elle fit volte-face, collant ses mains sur la taille du médecin pour lui indiquer de se tourner. Pour le type qui se ramenait, la scène était suffisamment claire, aucune équivoque possible. Une nana qui portait un chapeau de cow-boy à genoux devant un type qui scrutait les environs d’un air louche, il y avait qu’une seule lecture possible, aussi le gars traça sa route en lâchant un « chanceux », disparaissant au détour d’une passerelle. Relevant son regard clair vers Jacen, Riley esquissa un sourire. « J’te ferai pas payer de supplément. » plaisanta-t-elle avant de se reconcentrer sur la serrure qui finit par céder. Se relevant, la sirène fit signe au médecin que la voie était libre, prenant soin de refermer la porte derrière eux. « Ouah … l’ordre et l’hygiène c’pas son délire à ton pote on dirait … J’habite dans un bordel et même moi j’suis dégoûtée par certains trucs que j’vois … » souffla-t-elle en portant la main à ses voies respiratoires. « Tu cherches quoi au juste ? » Elle pouvait peut-être aider à chercher.

Ne me crois pas trop gentil. Ça c’était dit, et Riley le nota dans un coin de sa tête, elle le savait et s’en doutait, sur Pandore personne n’était vraiment profondément gentil, bon, chacun avait sa part d’individualisme, d’égoïsme, et de cruauté. Même elle, en dépit de tout ce qu’elle faisait de bon pour les gosses du coin. « J’comprends, tu fais ce qui te paraît juste et tu laisses rien ni personne t’en empêcher, en somme ? » C’était résumé, très grossièrement, mais c’était l’idée, Jacen hésitait pas quand fallait sauver sa peau pour permettre de sauver celle des autres. « J’suppose qu’on survit pas sur Pandore en étant trop naïf ou gentil, donc heureusement qu’t’es pas trop gentil. » Ça aurait été dommage, les gentils même s’ils l’étaient qu’un peu, fallait les protéger et les mettre sous cloche dans ce monde, parce qu’il y avait vraiment trop d’enfoirés.

La brunette l’aidait donc à sauver la vie d’une gamine loin d’ici, qu’elle connaissait pas, c’était tout elle ça. Et cette gentillesse la perdrait, mais dans l’immédiat, et heureusement pour eux, Riley avait de la suite dans les idées, l’habitude de ruser ici dans les tréfonds de Down-Town pour sauver sa peau. Un mime de qualité, servi par des acteurs au sommet de leur art, voilà ce qu’ils servirent à ce type curieux et sans doute suspicieux. « Tu crois pas si bien dire … » Ce n’était pas vraiment le mime qu’elle facturait, un mime c’était purement faux, joué, ce qu’elle facturait à défaut d’être physique comprenait tout le package de sensations que l’acte, réel, pouvait apporter. Pas de quoi se plaindre en somme, n’en déplaise à un certain brun casse bonbons.

Entrés dans le taudis qui servait visiblement d’infirmerie, apothicaire ou n’importe quoi d’autres, Riley referma la porte derrière eux pour s’assurer plus de discrétion. Ne touche rien. « T’en fais pas, vu la gueule de certains trucs, j’suis pas prête de toucher à quoique ce soit ici … » Une grimace ponctua ses mots avant qu’elle ne l’écoute lui énumérer les trucs et bidules dont il avait besoin. La sirène papillonna un instant, tentant de comprendre ce qu’il disait mais non, rien n’y faisait, c’était comme si Jacen parlait soudain une langue inconnue. « Tu m’as perdue à Akarso … » Alors à défaut de pouvoir l’aider, Riley évita de le déranger, se tendant en entendant du bruit à côté. Sur ses gardes, et regrettant un peu d’avoir laissé Maggie à la maison, la brunette se détendit en le voyant revenir avec un chaton.

Un mince éclat de rire fila ses lèvres en voyant la pauvre bête sans doute affamée et apeurée. « Il avait un chaton dans son labo ? Ton fournisseur est un type louche … » Hésitante elle récupéra malgré tout le chat, le tenant à hauteur de son visage pendant que le médecin rangeait ses trouvailles dans son sac. « J’vais t’appeler … Soot … ou Mittens … parce que t’es tout noir, on dirait que t’as trainé dans de la suie, sauf tes pattounes hein elles sont toutes blanches, comme des mitaines … Hm … pardon. » Elle pouvait pas l’embarquer … En même temps il crevait la dalle, il était sans doute abandonné, comme les gosses qu’elle accueillait, et en parlant de gosses, ce chat leur plairait sans doute, une mascotte. « Okay Mittens tu viens, mais t’as intérêt d’pas foutre le bordel sinon j’te ramène ici chez le Docteur Maboule. » Menace en l’air, son cœur trop fragile s’était déjà épris de cette pauvre bête qu’elle garda planquée contre elle durant le trajet du retour.

Même chemin sinueux, même passerelles miteuses. « L’chat s’ra pas déduit des quatre milles crédits rassure-moi … » plaisanta-t-elle en approchant du bordel. « T’dois repartir de suite avec tout ton attirail cow-boy ? » Loin d’elle l’idée de le pousser à la consommation, parce qu’après tout il avait déjà payé bien plus que ce qu’elle facturait pour une passe, mais c’était finalement assez cool de pouvoir discuter avec quelqu’un qui, au choix, n’avait pas dix ans, n’était pas sa sœur, et ne la traitait pas comme un morceau de viande.

« Ce qui est drôle c’est que j’ai connu une fille qui s’appeler Karma, et c’était vraiment une … enfin tu vois … » Pas besoin de faire un dessin, Jacen aurait sans doute compris, et puis la façon dont Riley se marrait finirait d’enfoncer le clou si jamais ce n’était pas clair. Peut-être qu’elle devrait appeler ce chat Karma d’ailleurs, les chats étaient pas réputés pour être les êtres les plus doux et loyaux de la création, plutôt des créatures indépendantes, fausses parfois, manipulatrices. Ah non, ça c’est nous autres humains. La pensée la fit glousser à nouveau alors qu’ils rentraient dans le bordel, leur mission pas si impossible que ça menée à bien. Un plan d'attaque minuté au poil de fion.

Le chat n’était pas déduit, et Jacen lui offrait même une rallonge ? « Wowowo … attends j’vais avoir des scrupules à te prendre ton blé à force, ça ira parfaitement pour Mittens ici présent, tu m’as déjà payée assez. » Un regain d’honnêteté ? Riley avait jamais été du genre roublarde, et quand on se montrait généreux, elle pouvait bien faire un pas vers l’auteur de l’acte de générosité en question. Un geste envers Nate aussi donc ? Non plus tôt crever que faire le moindre geste envers ce con, à part peut-être un bon gros doigt d’honneur ou un ravalement de façade à la pelle. Le cow-boy était surpris de sa question, Riley se contenta de hausser les épaules, prête à lui répondre que c’était juste cool de pouvoir discuter. Elle n’en fit rien parce que monsieur le médecin itinérant avait décidé de lui coller un râteau monumental sans qu’elle n’ait rien demandé. « Tu peux passer derrière le bar, et … je préfère m’abstenir de tout commentaire. » Plissant les yeux, la brune secoua finalement la tête dans un sourire. Elle allait pas l’inviter à nouveau à visiter l’autre pièce, pas besoin de l’arnaquer, il avait été assez généreux pour lui économiser une journée de travail.

« T’as vu la tronche de l’endroit où j’vis ? Des gens qui ont besoin d’un médecin, y’a que ça … mais plus sérieusement, je garde cette info précieusement. » Parce qu’elle avait une petite troupe de gamins qui pouvaient tomber malades, se faire mal, alors certes si Jacen était à l’autre bout de Pandore ça serait compliqué, mais s’il était dans le coin ça dépannerait. Posant son derrière sur un tabouret face au bar, son regard clair scrutant ce qu’il faisait de tous ces trucs aux noms étranges, Riley afficha une mine mystérieuse à la question de Jacen. « Hm … Je te dirais bien que ça te coûtera mille crédits de plus de le savoir mais je vais plutôt simplement dire que c’est un secret. »

Hochant la tête aux commentaires sur les plantes, trucs, machins, bidules, Riley souffla un « si tu le dis … » avant d’appuyer ses coudes sur la surface boisée quelque peu mitée, son menton posé dans ses mains en tulipe. Elle comprenait absolument rien à ce qu’il faisait, sans doute qu’avec une éducation complète à Opportunity cela aurait été différent, mais désormais elle savait plutôt démonter et remonter un revolver que trier les lentilles. T'as déjà fait un tour à Palm Springs Revival ? Elle leva le nez des décoctions en tous genres que Jacen préparait pour planter ses yeux clairs dans ceux du cow-boy avant de secouer la tête. « J’sais même pas à quoi ça ressemble, j’connais juste Opportunity et ce trou à rat où j’vis alors … de toute manière c’est du pareil au même. » Ici ou ailleurs, une vie de merde restait une vie de merde, bousillée par ses parents. Quant à cette idée de vrai bar … « Ça m’a l’air d’être beaucoup de boulot … c’que j’fais c’est plus calme et … c’est pas si dérangeant que ça dans le fond, c’est juste … comme ça. » La misère, elle s’y était habituée, son boulot peu conventionnels – quoique très normal dans les standards pandoriens – aussi. « Puis j’me fais pas d’illusions, personne viendrait ici pour écouter d’la musique et boire de la piquette, même bon marché. Alors que si j’suis là à agiter les jumeaux sous leur nez, ça les dérange pas d’raquer. Le calcul est vite fait, j’ai … juste besoin d’l’argent, le reste… » Sa vie passait après ce qu’elle faisait pour Stella, pour les gosses.