Depuis Opportunity, le voyage jusqu’à Safe Haven avait été long. Cette fois, Ren avait été missionné seul. Une tâche, de la part d’Hypérion, que requérait à priori ses capacités d’hulder ; qui pouvaient s’avérer aussi impromptue qu’inutile, si ce n’était souvent handicapantes.
Sous couvert de discrétion, il n’avait pas été possible d’utiliser un véhicule aérien, ni de moyen de téléportation. Pas de véhicule militaire évidement, une bonne partie du trajet effectuée à pied mais le soldat avait bien su s’en trouver un, une moto un peu vétuste et en fin de vie, qui avait finie par tomber en panne une fois arrivé dans cette ville reculé de l’Est Pandorien ; Safe Heaven.
Cela tombait bien, c’était la destination d’arrivée.

Une vive impression de solitude le tenait, accumulé au fur et à mesure des jours de son avancé, que la vue des falaises après avoir dépassé Sanctuary n’avait fait que renforcer.
Les habitant non plus, à leur allure et leurs échanges, semblaient éloignés du reste du monde sur leurs rochers, isolés et pas vraiment intéressé par les conflits des grosses cités. La vie semblait plus calme de prime abord, mais il n’y a pas pire eau que celle qui dort : que pouvaient cacher certains sous couvert de leur détachement ?

S’il voulait utiliser de nouveau cette moto, il allait devoir trouver un mécanicien : et il ne repartirait pas à patte. Un bar serait certainement un lieu plus propice pour rencontrer du monde, trouver des informations.
Pas de description précise : le militaire avait pour but premier de rassembler des renseignements sur la région, et subsidiairement de ramener un individu Siren, si tant est qu’il pouvait en trouver une sans indication, portait ou réelle information. Une chasse dans le vent.

Serpentant entre des allées désertes à cette heure de la journée, il n’avait aucune idée d’où il se trouvait en cet instant : loin du quartier marchand et des lieux d’effervescence. Son ombre noire sillonnait des rues vides, et ne l’en déplaisait moins que le regard d’inconnus souvent figés sur sa balafre. Concentré dans son but à retrouver un endroit plus animé, la lueur adjacente attira tout de suite son regard. Il y avait une lumière. Non. Un feu. Des cris.
S’en approchant en courant, Ren compris ensuite que ce qu’il avait pris pour un éclairage de fortune était une personne, qui se trouvait littéralement en feu. Pas totalement en flamme, mais assez pour comprendre que les cris et la panique nécessitait qu’il vienne l’aider ; après tout c’était la première personne qu’il croisait depuis un moment.

Retirant sa veste sombre, il s’apprêtait à tenter d’étouffer les flammes qui surgissaient des mains de cette personne. Des mains? Méfiant, la situation paraissait prendre un tournant innatendu. L’individu était une femme, plutôt paniquée, mais ses exclamation ne semblaient pas exprimer de la douleur.

D’un geste pacifique, Ren leva les mains au ciel afin de montrer sa bonne foi ; il n’était pas là pour la blesser ou la menacer. Enfin pas si elle se montrait agressive.
Attendant qu’elle finisse de remarquer sa présence, il s’annonça comme pour mieux approcher un animal blessé :

« Je m’apelle Ren »

La femme sembla le remarquer et son attention se posa, sur lui. Au moins, elle ne criait plus. Se montrer vulnérable mettrait peut-être en confiance cette inconnue. Et clarifiait la situation si elle lui répondait.

« Je me suis perdu. Je ne connais pas bien la ville et ma moto est tombée en panne.» Il s'approcha petit a petit, jusqu'à lui saisir la main toujours en feu. La chaleur ne l'affecta pas, il s'était tu un moment avant de demander « Et comment tu t'appelles?»  

Les flammes léchèrent sa main, avec cette sensation de chaleur familière, il espérait que ses migraines ne se réveilleraient pas tout de suite.
Ren ne savait pas trop comment cette jeune femme aurait pu le blesser, mais les flammes qui courraient sur ses bras étaient assez équivoques de ce qu’elle aurait pu lui faire.
Pour une fois, sa capacité se présentait comme un avantage. Malgré les avertissement de cette dernière, il était venu s’approcher jusqu’à aller saisir la main de la brune prostrée dont la peur semblait avoir intensifié l’embrasement de son corps.
Peur de lui ou peur d’elle-même? Un peu des deux certainement.

« Mon nom? Dani… Daniella. Comment-ce possible? Vous ne brûlez pas?»

Daniella était son nom. Elle le regardait avec une certaine surprise, tout aussi naturelle que la situation était étrange. En effet, il ne brulait pas. « Le feu ne peux pas me blesser » avoua-t-il, pour répondre à sa question.
Par ce geste il essayait de lui montrer qu’ils étaient semblables, de même nature. « De nombreuses autres choses peuvent être blessantes, nous restons humains après tout? »

« Je suis un hulder, moi aussi. »

Il pouvait être difficile de ne pas se sentir hors du monde, isolé, meurtri, et monstrueux en étant un hulder ou une siren. Ren le savait par expérience. Une vie caché pour beaucoup, rempli de souffrances et d’incompréhensions était le commun de ces personnes à la nature altérée. Ren ne pu s’empêcher de ressentir de la compassion envers cette personne.
Le plus souvent livrés à eux-même quant à leur capacité, obligés d’apprendre seul à se maitriser. Paria de la société, chassés ou utilisés pour diverses raisons. Personne pour vous venir en aide.
Ren avait eu la chance d’avoir la corporation Hypérion comme un guide, lui qui ne maitriserais jamais ce qu’il était devenu : et peut-être était-ce ces expériences et l’éridium qui lui avait permis de rester en vie. Peut-être était-ce ce qui le différenciait de ses semblables.

Daniella avait fermé les yeux, certainement pour se calmer. De son poignet, le militaire pouvait légèrement sentir le pouls de son interlocutrice, encore rapide. Il se mit à souffler bruyamment, inspirant et expirant à un rythme régulier et long, pour donner une tonalité à Dani en se laissant envahir par la douce chaleur que créait son contact avec sa main, avec son feu.

« Suis le son de ma respiration. » expliqua-t-il simplement en poursuivant son souffle et en attendant qu’elle se mette à le copier. Il y avait un certain ridicule, à respirer de la sorte.

« Est-ce que tu te sens un peu mieux? » Il n’allait pas la vouvoyer, et l’invitait à en faire de même.
Pourquoi essayait-il de l’aider? Difficile de parler avec une personne hors de contrôle. La force brute n’était pas la solution à toutes les situations ; et Dani représentait un intérêt dans sa mission. Il semblait mieux comprendre maintenant pourquoi Hypérion aurait pu faire appel à lui et pas à un autre.
Etre tombé sur elle relevait d’un pur hasard, plutôt chanceux, ce qui lui donna le sourire. Un sourire franc qui déforma sa cicatrice.

Il aurait bien pu l’assommer illico et la ramener à Opportunity en faisant un voyage retour sur-le-champs, mais sa moto était hors service. Le feu était un lien : our une raison inconnue, le pouvoir de Dani semblait avoir créé un écho en lui, dont Ren voulait en savoir plus et il n’aurait pu se laisser à simplement en finir de cette façon.

« Est-ce que tu as envie de me raconté ce qui est arrivé? » Si elle ne voulait pas, Ren n'insisterait pas et respecterait son silence.

Dani rouvrit les yeux, et ils échangèrent un regard furtif.
Une vision vint altérer sa perception. Fixé sur les lèvres de la brune, il revoyait ce sourire accompagné de rires cristallins qui le hantait, incrusté dans ses rêves et ses cauchemars. C’était toujours le même, et il ne pouvait cesser de le comparer avec chacune des femmes qui croisaient sa route. Essayer d’en trouver la propriétaire, à mesure de sa récurrence, ces 7 ans après son accident.

Dani n’était pas la personne à qui appartenait le sourire de sa vision. Il se reprit rapidement de son absence et se releva pour suivre le mouvement de la jeune femme. Ren s’aperçut pour la première fois de la stature de Dani lorsqu’elle se releva et qu’il furent tous les deux debout : elle n’était pas petite, mais il pouvait la toiser d’une bonne tête et demie.
Elle semblait aller mieux, « Il n'y a rien à en dire, c’était une mauvaise personne qui pensait pouvoir profiter des filles. Mais le feu me protège. »
Le feu pouvait assurément être un outil de destruction et de désolation, consumant à la cendre tout ce qui était assez proche de sa source. Mais il pouvait aussi être une source de chaleur et de lumière réconfortante.
En chaque chose : Rien n’était purement bon ou mauvais, il y avait les deux.

Le militaire ramassa sa veste et se mit à la suite de la jeune-femme qui l’invitait à le suivre.
Sans lui poser la question, il comprit à ses mots, que la brune devait travailler dans un bar. Une bonne nouvelle! Ce serait une bonne piste pour se reposer et reprendre tranquillement sa recherche d’informations, se trouver un endroit pour la nuit.
Ren avait déjà partiellement trouvé ce qu’il cherchait : il fallait qu’il s’en tienne à sa couverture et ne pas divulguer les raisons véritables de sa présence à Safe Heaven.
« J’ai besoin d’un mécanicien. » répondit-il à Dani, honnête. « Eventuellement si tu as l’adresse d’une auberge. Je dois rester dans cette ville quelques jours et je n’ai pas de pied à terre. »
A partir de là, Ren savait qu’il pourrait trouver des repères.
« Qu’est ce que je t’offre ? » En service, le militaire n’aurait pas du boire d’alcool, il craignait que son geste ne soulève des questions. Il s’assit face au comptoir, les deux mains posés à plat.
« Une menthe à l’eau, c’est possible? Avec de la vraie menthe? » Il adorait cette plante, c’était son plaisir coupable, tant pis pour les questions ou l’aspect un peu enfantin de la chose.

Il laissa Dani s’affairer de l’autre côté du bar, et lui demanda « Ça fait combien de temps que tu vis à Safe Heaven? ». Il se demandait à combien d’emmerde Dani pouvait faire face au quotidien, combien de fois elle avait dû se défendre et poser des limites à des hommes trop ivres. Combien de fois sa capacité l’avait sortie du pétrin. Il attendit d’être servi et se prépara à accueillir les questions de Dani : il ne voulait pas que ses questions transforme la conversation en interrogatoire.