C'est étrange comme la vie peut être une véritable salope à ces temps perdus. On dit que l'origine du mal est mystique, profonde et invisible à l'oeil mais en réalité, le mal est beaucoup plus tangible qu'on ne le pense vraiment. Le mal commence par l'humanité, son besoin d'écraser les autres pour se sentir exister, l'irrésistible attirance – comme le moustique vers la lumière, d'attiser la haine là où elle n'existe pas. Ou en tout cas pas encore. Du plus loin que je me souvienne, même si je n'ai pas été couverte de chaleur humaine et d'attention, je n'arrive pas à toucher l'invisible, je n'en ai tout simplement pas l'impression. Ma mère et mon père ont eu tout simplement des difficultés à lutter contre leur propre démon, j'en ai été leur souffre-douleur, leur ancrage dans ce monde de fou. Je ne sais pas pourquoi je ressens ça maintenant mais quand je repense à la manière où j'ai eu la facilité à quitter le domicile de mes parents pour rejoindre celui de mon époux, ça m'a frappé de vouloir absolument découvrir les démons d'une autre personne. Mace, mon époux, j'ai appris à le connaître avant de l'aimer. J'ai vécu tout ce qu'un couple ordinaire est censé vivre avant de s'aimer et pourtant, je n'ai jamais demandé la lune, juste une vie meilleur, loin de la noirceur qui noie mon âme depuis que je suis née. Loin de cette sensation d’étouffement qui n'a de cesse de me rappeler d'où je viens. Alors, pour répondre à ma requête et après la naissance de ma fille, Mace a emballé nos effets personnels et m'a dit : « Allons trouver ce que tu cherches ! » Aucun surnom, aucun pseudonyme ne sort jamais de sa bouche ni de la mienne. On n'aime pas ça et on n'a jamais voulu ça. Donc, de Lynchwood, on a parcouru les terres de Pandora, on en a découvert quelques vices, quelques autres personnes démoniaques et puis des bêtes. Au cours de notre voyage, on a même entendu parler de ses quêtes d'Arche, soit disant portant le bénéficiaire de ce secret à un bonheur immédiat. Je n'y ai jamais cru puisque j'en ai vu que des portraits, des paysages angéliques, des sculptures tout droit tiré de personnages psychologiquement ailleurs. On ne me la faisait pas à moi et je ne crois uniquement qu'en ce que je vois et rien d'autre.

Et ce que j'en vois, mon dieu – s'il en existe vraiment un, d'ailleurs – c'est qu'il existe une grande immoralité, une énorme bulle protectrice autour de cette firme et de tout ceux qui leur portent allégeance tandis que.. Tandis que les autres, autrement dit Ma fille, Selene, Mace et moi, morflent pour la simple et « bonne » raison de notre naissance, de nos gênes. C'est cruel et cause une cassure entre les ouvriers les castes plus hautes dans la hiérarchie et je me suis toujours demandée … Que se passerait-il si, un jour l'homme, pourtant connu pour sa difficulté à gérer l'un des 7 pêchés capitaux, se rebellerait ? Trouver injuste de voir des hommes, des femmes et des enfants jouir de service en claquant des doigts alors que d'autres, doivent se les briser pour en obtenir leur miette. Dans ma tête, ça a toujours été vu, je n'y espère qu'une seule chose, y trouver ma place, en tout cas.

Avec Mace, on s'établit à Safe Haven. En fait, c'est une erreur de parcours dû à une mauvaise rencontre. Mon mari a failli y perdre un membre face à un Skag ayant pris pour cible notre pauvre enfant. C'est de là que je reconnais l'homme que j'ai commencé à aimer au fil du temps. Mon cœur et ma tête fonctionnait de plus en plus en combo parfait, quand on y réfléchit bien. Mon sourire sur le visage ne me quittait et même mieux, si les choses continuaient dans cette direction, on pensait agrandir notre famille. Et puis, c'est moi qui l'a rencontré en première. Patsy Redmington. Je ne peux pas dire que j'ai été attiré à elle mais presque. Son charisme et sa façon de s'exprimer m'a réellement charmé. J'avais cette sensation étrange qu'elle avait des réponses autant dans son attitude que dans sa manière de me dissuader d'aller plus loin. Et puis, j'ai fait mes preuves. Pas dans les connaissances d'armes ou quoique ce soit, dans ma motivation à rejoindre l'organisation qui – avec le temps et l'obstination, réussirait à retourner la situation et démolir la firme. Je ne sais pas trop ce qui m'y a poussé mais je sais aussi qu'au fond, je le fais pour l'avenir de ma fille et si jamais je venais à en mourir, Selene comprendrait, plus tard, la raison de mon hypothétique disparition. En tout cas, mon mari a été plus convaincant, je pense puisque... A deux, on est beaucoup plus fort, non ? Pour autant, on a pris nos distances de cette ville. Pour des raisons stratégiques, Mace et moi avons remballé nos affaires et avons élu résidence à Sanctuary.

L'évolution de ma famille est incroyable et je ne peux que l'apprécier à sa juste valeur. Grâce aux contacts de contacts en contacts, mon mari a trouvé un travail de brancardier pour lequel il s'épanouissait et puis de mon côté, je m'étais liée d'amitié avec une barmaid qui avait eu la gentillesse de me rancarder sur une place de libre. Au début, j'ai dû faire mes preuves, choses faites et on peut dire que j'ai réussi jusqu'à gagner la confiance de mon patron. Les clients sont lourds mais facilement domptable. Il fallait dire que les clients de Sanctuary n'ont réellement rien à voir avec ceux que je croisais quand mon père allait prendre sa dose quotidienne. Je n'ai pas besoin d'aller plus loin, je ne cherche pas à faire carrière dans une boîte, j'ai simplement rendu l'utile à l'agréable. Dans ce bar, j'ai pu remarqué des visites de la firme. Ils sont facilement repérable et c'est aussi pour ça que je sais être gentille auprès des bonnes personnes. Le bouche à oreille est très important. Avec quelques verres dans le nez, les informations sont toujours plus rapides à obtenir, par exemple.

 De cette manière, avec Mace, on a senti que l'on commençait à prendre une voix dans la rébellion. Mieux encore, l'école que fréquente Selene lui apporte tout le nécessaire et la pousse à porter l'effort sur son retard provoqué par nos nombreux déplacements. Malheureusement, toutes les opportunités pour participer nous passait sous le nez sans qu'on ne comprenne réellement pourquoi. Même si on ne donnait pas tous les jours des informations, on en a donné deux ou trois, plus ou moins importantes quand même. Jusqu'à ce qu'un jour, mon mari ait reçu ce fameux appel sur son Echo. Le code, il l'a comprit tout de suite et il m'en a fait part, même si.. il aurait dû ne rien me dire. Toute la nuit précédent la mission, on en a beaucoup discuté et on s'est demandé comment il allait dealer avec l'idée de tuer quelqu'un. Mace avait toujours eu ce bon fond mais une fois avoir tué quelqu'un, comment l'humain réagit ? Je n'arrêtais pas de dire « Et si... » « Et si... » Et en réponse, Mace m'a tout simplement répondu : « Tu veux que ça change oui ou non ? Parce qu'on n'a rien sans rien. » Puis il m'avait embrassé et pris dans ses bras, m'amenant jusqu'à notre lit.

Les jours qui ont suivi l'assassinat de ma famille, c'est le grand trou noir. Je sais que j'ai énormément pleuré et dormi, enveloppé dans les chemises de Mace et tenant le doudou de Selene, tout contre moi. Les cauchemars m'ont convaincu qu'il valait mieux s'occuper plutôt que de dormir. Tout ce dont je me souviens, c'est mon obsession. J'ai voulu approfondir les différentes possibilités de vivre : Soit je laissais mourir et je laissais ma famille morte pour rien. Soit, je me relevais et je faisais les choses proprement. L'entraînement a commencé par un contact de Patsy, elle m'a donné les coordonnées de différentes personnes qui prendraient les choses très au sérieux en échange bien évidemment d'une loyauté absolue à la Rébellion. Il faut dire que je n'ai vraiment aucune autre alternative et je n'en veux rien d'autre. Ma vie ne dépendait uniquement que de ça et la perspective de faire tomber la firme qui avait causé la mort de tout ce que j'avais de plus précieux, n'a plus qu'à bien se tenir. La vie, c'est une sacré salope, oui ça, je l'ai déjà dit.

Je m'appelle Raina, au fait. Raina Lockhart. Mace m'a offert cette porte de sortie alors je ne vais pas faire marche arrière parce qu'il n'est plus là en reprenant mon nom de jeune fille. Sa chaîne et son alliance font toujours partie de moi. Je ne l'enlève pas. Le doudou de ma fille aussi. J'ai toujours sur moi mon couteau de survie, je m'amuse avec, je l'entretiens, je l'aiguise, je le bichonne. Il m'arrive parfois de me perdre dans mes désirs de meurtre, ne désirant absolument pas terminer ma vengeance par une simple balle mais dans beaucoup d'autre supplice avec ce couteau. Il appartenait à mon mari. Et l'arme de mon mari aussi. Le MK83, il contient un silencieux. Je le nettoie, je monte et démonte, ça me détend. Je m'entraîne également, je fais beaucoup de travail, je me suis séchée, j'ai pris du muscle. Je n'ai plus rien à voir avec la femme d'il y a un an. J'ai coupé mes cheveux, je les garde au carré, ça me permet d'oublier d'autres souvenirs difficiles. Oh ! Hé !  Je ne veux pas qu'on ne me plaigne, ma vie étant ce qu'elle est, je veux juste venger ma fille, venger mon mari et jeter l'éponge en abrégeant mes souffrances.

Un an après ce qui s'est passé, j'ai pris du recule. Je suis quelqu'un de patiente et je suis prête à tout mettre à sac mais au bon moment. Je suis comme une lionne qui traque son gibier, j'enquête, je fais le lien... Il va souffrir. J'ai une certaine culpabilité dans cette histoire et ma vengeance est essentiellement basée sur ce sentiment. Je pleure encore ma fille, quand je frappe, je saigne  mes phalanges pour avoir mal ailleurs, quand je m'entraîne au lancé de couteau, j'imagine la tête de ma cible. C'est vrai que j'ai centré ma vie sur cette vengeance mais je n'oublie pas le but principale, celui qui a conduit mon mari à la mort... La rébellion. Et là, quand je parle, je peux sentir l'éclat de lumière dans mon regard. Je peux, rien qu'à l'expression même de mon visage, que ma loyauté et ma dévotion sont toujours intact. Et puis, bien sûr, j'ai fait une rencontre improbable et... je n'ai plus la même détermination sur mon avenir pourtant si bien tracé. Je lui en veux beaucoup, je souffre encore et pourtant, quand il est là, je me sens toujours un peu mieux.