Journée de boulot ordinaire, et franchement plombante, qui démarrait ce fameux jour. Après une nuit plutôt agitée, en compagnie de dés tous plus amicaux et attrayants les uns que les autres, je me suis donc ramené, j'avoue la tête dans le fondement, au bureau. La HBP de Palm Spring revival, un gros truc hein, une super banque de pleins aux as où les crèmes de pet de la planète adorent venir déposer leurs économies, ou bordel un peu gênant, en sachant parfaitement que tout sera à l'abri. Cependant, ces abrutis là ont dû oublier que, sur Pandore, y a rien de sûr et encore moins rien de définitif. Bref, je gravis les marches, Paulo de la sécu me sort sont plus beau sourire mais je sais parfaitement qu'il pense à la manière dont il a trompé sa femme et que depuis, peut-être une cause à effet, il cesse pas de tirer sur son calebart sans doute trop petit.

Je rentre ensuite dans la banque, café dans une main, dans l'autre une mallette avec rien dedans c'est simplement pour se donner un genre dans ce style de carrière. Tout le monde à un attaché-case avec du vide à l'intérieur et tout le monde se balade avec en demandant des nouvelles de bobonne et des marmorts, au premier qu'il croise et ce même, et je vous assure que c'est vrai, si le mec face à l'autre est le pire con qui soit au monde. On pourrait donc parler d'un univers merveilleux où les bisounours, tous sapés en costume de pingouin et occupés a rejouer la marche de l'empereur chaque jour de chaque mois de chaque année, sont tous des gros hypocrites. ... Enfin, je rentre, il doit être 9h00, et là alors que je m'apprête à balancer mon plus beau sourire à Clara ; Clara c'est la standardiste un peu niaise et douce, elle est douce pas possible, si douce qu'elle glisse entre les mains de n'importe quel type qui voudrait se la faire je vous raconte pas...

Je m'égare encore, donc Clara et le reste des titulaires des lieux, sont tous là, au standard, à regarder ce qui, sur le coup j'y pense fort étant donné que Henry nous brise les grelots avec ça depuis des mois maintenant, doit être les photos de l'alien que Madame Henry Stanford a dû pondre dans la nuit. Je m'approche et là ... En réalité je crois que j'ai jamais eu un aussi gros brainfuck. Je crois que du fait de m'être préparé à mirer des clichés de mioche baveux et la couche garnie de mousse au chocolat, et bha clairement je m'attendais pas à voir quelque chose d'encore plus ..... chié. Et là, à l'instant précis où vous me voyez froncer les sourcils, alors que dans mon crâne un joyeux bordel sonne le glas de mon temps dans la HBP, là ... Attendez je fais arrêt sur image là où je suis le plus avantagé tout de même, là .... juste là vous voyez clairement que, à mon air, je vais sortir une putain belle grosse connerie face à Monsieur le Directeur, flanqué derrière ses sbires juste là, là .... je pourrais faire un rond rouge autour pour que vous voyiez bien sa tête au moment où je vais la sortir la pire connerie du monde.

- Hey mais je les connais ces cons là ! Hop, je remets pause, voyez l'air d'abruti fini que je tire, comme si j'étais super fier, un peu ému aussi sans doute, de revoir là, trois têtes bien connues avec qui j'ai partagé des trucs de fou y a encore trois ans de ça. Notez la tête du Dirlo maintenant : Coleman ... Dans mon bureau. On revient sur ma poire maintenant, regardez comment on passe de vie à trépas ... Ou alors comment, subitement, vous comprenez bien mieux les bipolaires qui passent de l'euphorie extrême à la mélancolie lourde en à peine un battement de cils ... C'est fascinant hein ? Bref donc là je monte dans le bureau de Monsieur évidement, il me fait assoir dans le siège face à lui, tout près y a Médor qui scrute hein, au cas où subitement il me prendrait une envie de me défenestrer ou qu'en sais-je et là ... Là, il me cale donc sous le nez les clichés des six, ... Y en a que quatre que je connais donc, bha histoire, de temporiser et d'éviter à la veine, que je vois battre sur son front, d'exploser, je commence comme tout le monde l'aurait fait : par ceux que je connais pas. Aucune idée de qui c'est vraiment, je vous assure monsieur.

Okay, quand il tire vers lui le cliché du vieil ours mal léché, j'avoue que je suis un peu dans la merde et que les souvenirs reviennent malgré tout. Il me pointe d'un coup de menton la seconde esquisse et là, ça doit se voir même si j'essaye d'être le plus discret possible, je souris comme un bon gros crétin qui revoit son paternel après des années de séparation. Ilyas... c'était en X220, j'étais jeune et beau, enfin je le suis toujours mais, j'avais la trentaine donc toujours mieux qu'actuellement. Après des années de petits boulots merdiques, allant de vendeur ambulant dans les bas fonds de down-Town, à arnaqueur, et surtout après une enfance et une adolescence plutôt merdique où, pour tout dire, mes parents savaient plus quoi faire de moi, je rencontrais donc Ilyas.

Avec lui, j'ai appris tellement de trucs, à lire déjà ... Ouais j'ai appris à lire et à compter, à nouer mes lacets tout seul aussi un peu comme Franklin, très tard et avec ce type. Mais pas que, il a vu en moi un truc que moi même j'étais pas foutu de voir. Je sais pas si c'était la capacité à voler sans souci, ou le baratin que je pouvais servir pour endormir les gens mais, il l'a vu ce truc. Ilyas m'a pris sous son aile et m'a enseigné des bases, de l'alphabet au fait de tenir un flingue, une lame, et de savoir viser et faire mal avec au besoin. Pendant un an comme ça, avant de me faire rencontrer son neveu, je crois que c'était son neveu ouais, en X221, Lorenzo... Ils avaient une bande, la bande du Rakk Blanc, j'avoue ça peut prêter à rire mais quand vous voyez se dont les membres sont capables, vous rigolez bien moins, surtout quand c'est sur votre poire qu'ils s'acharnent. Bref, j'ai donc rejoint la bande, Ilyas a continué à m'apprendre à me défendre, à me battre à me démerder... ça a duré huit ans. Huit ans où là j'avais l'impression d'avoir une famille. Un père, des frères et sœurs... C'était le bon temps ouais, le temps du mercenariat où on bossait contre paiement et où on pouvait se considérer un peu comme une ligue extraordinaire. C'était sympa.

Et donc étant donné que là, à l'instant T, je souris comme un niais sorti de son nid, le dirlo poursuit et me pointe un autre cliché qui m'arrache un rictus. Elle, jamais je l'oublierai, elle, elle était là avant moi chez les Rakk, elle c'est Caty, Catoche, Cat... Elle, elle avait un putain de caractère, elle, y avait pas moyen de lui faire du gringue, aussi discret pouvait-il être. Elle y avait juste pas moyen de la toucher sous peine de se faire broyer le service trois pièces mais elle, elle je la voyais vraiment comme une petite sœur. Une petite sœur badass, la petite sœur qui m'a accueilli dans la fratrie en m'envoyant chier correct avant de se faire à ma présence et de s'habituer à mon humour approximatif. Catriona, elle me manque, la revoir là ça me fait tout drôle, mais le pire c'est tout de même quand j'éclate de rire, avec peu de contenance, quand Monsieur me pointe du doigt le prochain portrait robot.

Je pose les yeux dessus et là, je me retiens de rire franchement car déjà que lui et moi on était pas super aimables ou amicaux l'un envers l'autres, là, j'embrasserai presque le gars qu'a fait sa description face au dessinateur. Liam ... Du moins si on retire le nez foireux que lui a collé l'artiste, c'est bien lui, je reconnaitrai ce regard de fouine parmi mille autres. Liam, lui, il a débarqué en X227 si mes souvenirs sont bons, et il le sont faut pas charrier je suis pas encore sénile même si, quarante ans d'ici peu, disons que je décline davantage qu'autre chose même si je refuse de l'admettre. Donc Liam ouais, à part des fions, à part penser que cet imbécile me piquerait la vedette chez les Rakk, alors que j'y avais ma place depuis X221, disons que j'ai pas de grosses affinités avec lui et, malgré tout, ouais, malgré tout, je le vois comme un frère. Bref je dis rien, puis Monsieur me pointe du doigt le dernier cliché.

Elle me dit quelque chose cette fille, je saurais pas la remettre aisément, et je pense pas l'avoir déjà mise un jour pour être honnête mais, ouais, elle me dit quelque chose et même si je l'ai sur le bout de la langue, qu'un sourire fait se creuser une fossette à ma joue, je retrouve plus son nom. Mais le mieux dans tout ça c'est de me dire que, même s'ils sont pas tous là sur les portraits que l'autre me file comme pour avoir des aveux, quelque chose s'est reformé. Cat, Liam, Ilyas... J'en souris avant d'arquer les sourcils lorsque Monsieur le directeur reprend. J'ai dit que je les connaissais ces "cons" là, alors forcément je m'attends pas à ce qu'il soit content de l'apprendre, surtout quand il me balance comme ça, de but en blanc, qu'ils ont braqué la banque deux jours plus tôt et que les travaux sur la façade c'est pas juste dans un souci d'esthétisme.

Voilà, c'est comme ça qu'au mois d'Octobre X232, j'ai été viré de la HBP, à cause de Liam hein, parce que forcément s'il faut un coupable ça peut être que lui, que lui après trois ans sans l'avoir vu, il me brise encore les grelots et ce sans même le faire en face à face. Il est fort cet enfoiré. Enfin, du fait j'ai retrouvé un Job, à Sanctuary cette fois, deux mois que je bosse en tant qu'assistant secrétaire dans un cabinet comptable où les journées sont chiantes à souhait. Des journées interminables durant lesquelles, entre deux triages d'archives à crever d'ennuis, je repense parfois au passé, aux Rakks Blancs, avant de débaucher pour assouvir mon besoin de parier, jouer, charmer. Je vais avoir quarante piges, c'est déprimant, ma vie est déprimante à souhait et, malgré tout, je me dis que quelque chose va changer, ouais, ....

Enfin pour l'heure vous êtes tous là à me regarder et à écouter mon histoire en vous disant que, la chute était à chié mais, c'est un peu ce que je ressens aussi quand je pense à ma vie actuelle, alors disons que se faire chier en communauté c'est quand même moins morne que le faire en solitaire. Un peu comme autre chose, mais ça ... je veux pas trop me vanter.