Je me suis laissé tomber sur le siège du bar avec un grognement faible. Il y a des jours comme ça où je me demande franchement pourquoi j’ai décidé de continué à jouer les tueurs à gages. Je me fais roué de coups, tirés dessus sans arrêt et engueuler par les mêmes personnes qui me demande de tuer quand je reviens les voir pour ma prime. Tout ça parce qu’il ne voulait pas que la tête explosée. Il s’attendait à quoi quand il me demanda de lui mettre une balle dans la tête ? Franchement, je vous jure parfois je ne comprends pas les gens. Je grimace alors que mes yeux se posent sur les jointures de ma main de chaire. Ils saignent et je suis certaine d’en avoir au moins une de fracturer. C’est cependant un tout petit prix à payer pour avoir eu ma prime ainsi qu’un bonus avec celle-ci. Un verre d’alcool glisse devant moi alors que la silhouette de la charmante barmaid apparaît devant moi. Je lui rends son sourire, mais je vois bien qu’elle a remarqué mes blessures. « Sacré Ady, tu ne peux jamais t’empêcher de revenir couverts de bleu ou des blessures qui saignent n’est-ce pas ? » Je grimace de nouveau, mais cette fois au surnom qu’elle vient de me donner. Très peu de gens on l’audace de m’appeler ainsi. Laurel n’a jamais été très déranger par mes regards noirs quand elle l’utilise au point où j’ai fini par accepter qu’elle allait continuer peu importe à quel point je lui dis de ne pas le faire. Et puis, je devais ma vie non seulement à son père, mais aussi à elle alors c’était un peu un passe-droit si vous voulez mon avis. De toute manière, la jeune femme le dit toujours sur un ton qui n’a rien de méchant ou moqueur contrairement à la plupart des gens qui le font en général.

« Je savais que tu t’inquiétais pour moi. » Elle croise les bras alors que j’agite les mains devant elle avant de secouer la tête en riant. « Bien sûr, sans toi cet endroit serait d’un ennui alors je préfère que tu reviennes vivante. Je vais aller te chercher de la glace pour ta main et voir pour la trousse de soins au passage. » Je la regarde disparaître par la porte derrière le bar. Je regarde autour. Il est tôt dans l’après-midi donc il y a peu de clients présent dans le bar. Cet endroit est presque devenu une seconde maison depuis que l’homme que je considérais comme mon père après avoir perdu le mien à tenter de me tuer. Même après toutes ses années, je peux encore sentir la colère fleurir dans ma poitrine juste en pensant à Samuel et sa trahison. Il m’a amené dans un monde de meurtre et de sang afin de garder un œil sur moi. Il ne voulait pas que je découvre la vérité sur la mort de mes parents et encore moins son implication comme celle d’Hypérion. Je ne saurai malheureusement jamais le fin mot de l’histoire étant donné qu’il est mort pour que je puisse vivre, mais je finirai par découvrir la vérité un jour où l’autre. Je suis une femme patiente et si je dois encore attendre 10 ans pour découvrir ce qui s’est réellement passé, je vais le faire. Pour Hypérion, je suis déjà un cas classé. Je pensais qu’il serait venu après moi après l’échec de Samuel, mais non. Il semblerait que soit quelqu’un leur a fait croire que j’étais morte, soit ils préfèrent m’ignorer jusqu’à ce que je devienne à nouveau un problème qu’ils ne peuvent plus cacher. Je dois avouer que même si je suis devenu rebelle après toute cette histoire, je me suis tenu tranquille. Guérir avait été un long processus. Quand on vous tire en pleine tête et qu’on vous coupe un bras, ce n’est pas évident vous en remettre. J’ai passé une longue année à souffrir de cicatrices laissées par Samuel au point que parfois j’aurais préféré que le père de Laurel me laisse mourir. Maintenant, je lui en suis reconnaissant.

Je n’avais pas l’intention de reprendre les armes après mon rétablissement ou de rejoindre la rébellion contre Hypérion, mais la vie avait encore une fois une manière de me pousser sur le chemin de la guerre. Quand Joel est mort en laissant sa fille seule, je ne pouvais pas rester sans rien faire. C’était un homme profondément bon, le premier que j’avais rencontré depuis bien longtemps qui avait réellement cru que ma vie valait la peine d’être sauvée. J’aurais dû être plus rapidement à abattre ces connards. J’ai hésité à me battre, j’ai figé en entendant le bruit des armes et Joel est mort avant que je ne puisse me ressaisir. Quand ils ont braqués leurs armes sur Laurel, c’est comme si je revenais l’assassin que j’avais été autre fois. Je n’avais épargnée personne. Le pire c’est que je ne m’étais pas senti coupable de leurs morts. Ce qui me faisait mal était la peur que j’avais vu dans les yeux de Laurel  quand tout fut fini. Pendant plusieurs semaines, elle s’est tenue loin de moi. J’ai fini par faire mon sac et partir en pleine nuit ne pouvant supporter de me sentir comme un monstre dans ses yeux. Je savais qu’elle vivait le deuil de son père, mais j’avais l’impression de tout rendre pire en restant.

Partir n’avait pas été facile, loin de là. J’avais trouvé une maison, un endroit où je me plaisais pour la première fois depuis qu’on m’avait arraché mes parents. Je suis retombé dans les vieilles habitudes, sauf que cette fois, j’ai mis à profit mes talons pour éliminer des cibles qui posaient problèmes directement aux rebelles ou des gens qui étaient simplement des gros cons. Je passais le plus clair de mon temps à voyager entre les villes de Pandore. J’évitais de revenir trop proche de New Heaven et quand je le faisais, j’évitais le bar tout simplement pour ne pas revoir Laurel. Puis, un jour alors que je revenais d’un contrat particulières difficile et que mon corps voulait simplement tomber en morceau, elle se trouvait assit devant la porte de la chambre que je louais. Elle m’a jeté un regard critique, a secoué la tête et prit ma main pour me tirer à l’intérieur en silence. Juste comme ça, je me retrouvais à revenir au bar chaque fois que j’avais accompli une mission ou que j’avais du temps libre. Elle m’accueillait toujours avec un sourire. On n‘avait jamais réellement parlé et je ne savais pas franchement comment aborder le sujet avec elle… les sentiments ne sont pas du tout mon fort. Autre que la colère et la violence, je n’ai jamais vraiment su comment m’exprimer. Je laisse mes poings et mes armes parlés pour moi en général.

Un sac de glace est déposé devant moi me prenant par surprise alors que je sors de mes souvenirs. « J’ai préparé la chambre d’ami pour toi si tu veux rester ce soir. Combien de temps tu vas rester dans le coin cette fois ? » Laurel attrape quelques verres pour les nettoyer alors que je ramasse le sac de glace et le met sur ma main en grimaçant. Ça fait du bien. Je prends le temps réfléchir avant signé une réponse. « Dormir dans un vrai lit sera agréable. Je ne sais pas. Jusqu’à ce que je trouve un nouveau boulot ou qu’on est besoin de moi. » Elle fredonne, mais je la connais assez maintenant pour savoir que malgré son air neutre, elle n’apprécie pas vraiment ma réponse. Laurel aurait aimé que je reste ici avec elle après que nous nous soyons réconcilié, mais je me vois mal rester en place. Et puis, les rebelles ont de plus en plus besoin d’aide contre Hypérion. Ils m’ont sauvé la vie, je leur dois bien ça après tout. J’ai fait pas mal de dégâts quand je bossais pour l’ennemi et je me sens comme quoi je dois me rattraper en les aidants le plus possible maintenant. Je sais que mon amie ne voit pas les choses ainsi. Elle a peur que je ne meurs comme son père avant moi et je la comprends. Cependant, je ne suis pas fait pour une vie statique et tranquille. J’ai essayé sans succès. « Ilyas est passé hier. Il te cherchait pour avoir ton aide. » Je hoche la tête alors qu’elle dépose le dernier verre à sa place derrière le bar. « Je lui ai dit de repassé aujourd’hui. » Elle lève finalement les yeux vers moi et nos regards se rencontrent. Son visage est mortellement sérieux alors qu’elle parle à nouveau. « Ne te fais pas tué. » Et juste comme ça, elle est de nouveau partie. J’ai compris maintenant le sous-entendu derrière cette phrase. Elle me dit clairement : « Je sais que je ne suis pas assez pour te donner une raison de rester, mais au moins reviens ». Je peux entendre la porte du bar s’ouvrir. Je jette un coup d’œil par-dessus mon épaule et voit la silhouette familière d’Ilyas qui s’approche. J’attrape mon verre et le bois d’un coup alors que je me lève dans l’intention d’aller à sa rencontre. Je peux voir Laurel qui nous regarde tous les deux. Je me demande parfois quel avenir il aurait pu y avoir si j’étais resté, mais comme on le dit si bien, pas de repos pour les méchants. S’il y a quelque chose que je suis, c’est bien ça.