La ville est une entité à elle toute seule. Elle ne fait qu’accepter la présence d'individus en son cœur. La petite enfant en avait tout à fait conscience… Elle se sentait tellement petite, écrasée par la présence des buildings, l'oppression du monde. Mais des mots doux de son paternel étaient toujours là pour le rassurer. Son père était tout. Elle l'aimait tellement. Grâce à lui elle ne sentait jamais vraiment perdu. Elle avait appris à avoir confiance en elle grâce à ses attentions et à sa présence. Il faisait toujours tout pour qu'elle tente des choses. Discret, calme, poli, son père était exemplaire. Plongé dans son travail, il lui arrivait d'oublier sa gamine, mais cela ne durait qu'une heure ou deux avant qu'il ne lève les yeux pour la chercher. Elle était toujours silencieuse, en haut de l'escalier, le regard pétillant fixait dans sa direction. La porte ouverte sur le bureau lui permettait de tout voir. Seule elle n'aimait pas jouer. Petite elle rêvait même d'avoir un petit frère. Mais sans maman, c'était impossible.

Ses sentiments pour lui sont toujours restés purs. Son éducation était exemplaire et elle a toujours su dans ses sourires et ses mots partager ce que lui avait enseigné son père. Son enfance, elle ne l'échangerait à personne pour rien au monde. Égoïstement elle voulait garder ses moments de bonheur pour elle. Elle se souvient seulement que l’absence de sa mère avait été lourd à supporter quand elle était toute petite. Tout cela parce que les enfants ne pouvaient concevoir qu’une petite fille n'avait pas de mère. Son père en toute humilité lui avait expliqué que sa mère avait décidé de partir loin car il ne supportait plus la pression de la ville. Son désir de liberté lui avait fait faire le choix d’abandonner sa famille pour une vie différente. Loin du bruit de la ville. Dans le ton calme de son père résidaient une profonde tristesse et une miette de rancoeur. Elle l’avait senti à chaque moment qu’il parlait d’elle. Certainement qui lui en voulait mais son père était trop secret et préférait ne pas partager cette haine avec sa fille. Angelina ne le saurait jamais vraiment. Elle n’aura jamais l’occasion de lui demander s’il détestait sa mère car elle ne les avait jamais recontacté après sa disparition. Est-ce qu'un jour, son père avait pardonné cet abandon à sa mère ?

Cultiver le mensonge. Elle commença à en connaître les tenants et les utilités quand elle avait 13 ans. Au début elle ne mentait jamais vraiment. Son père arrivait toujours à lui faire avouer quand elle faisait une bêtise. Ses regards appuyés et ses petits sourires amusés l’encourageaient toujours à aller dans la voie de la rédemption. Malheureusement cette 13e année-là, elle se rendit compte que la vérité pouvait être à double tranchant. Douloureuse réalité qui la frappa de pleins fouets.
Le secret avait un poids sur ses épaules mais jamais elle n'eut la chance de pouvoir répondre aux questions qui occupaient son esprit. Elle voulait tellement savoir mais chaque fois elle se heurtait à un mur. La voie normale ne lui permettait pas d’avoir des réponses. Les gens maintenaient le secret bien caché, bien gardé dans leurs bras fermés. Jalousement avec avidité. Son cœur était brisé alors que les secrets continuaient d’emporter le corps de son père au fond du précipice. Elle ne le reverrait jamais. Elle avait juste treize ans quand sa tante vint la chercher à l'école, le visage grave.
La femme aux cheveux châtain clair ne la regardait même pas. Le fait que deux hommes d'Hyperion se soient déplacés avait affolé la jeune fille. Votre père a disparu. Comment ça disparu ? Une personne ne peut pas se volatiliser comme ça. Votre père n'a pas pointé aujourd'hui, nous avons envoyé des soldats chez vous, tout était retourné. Pourquoi avoir pris le soin de dire toutes ces choses. Nous allons vous mettre sous la responsabilité de votre tante Gaëlle Jones. Pourquoi tout semblait avoir été méticuleusement préparé à l'avance. L'homme parlait comme s'il récitait un texte. C'était horrible.
Pendant des années, cette conversation froide lui revenait à l'esprit. Partiellement. Le ton de voix lui glaçait les os la nuit.
Chaque année elle se sentait surveillée, tracée. Une impression. Une sensation. Qui s'atténua avec le temps.

Elle n’aurait jamais pu expliquer à personne la douleur qu’elle avait ressentie quand elle s’était retrouvé toute seule. Sans étoiles sans repères. Son père lui avait certainement menti sur ses activités. Ou alors elle s’était dit qu’il n’avait pas voulu l’impliquer dans ses recherches. Pourtant elle avait déjà traversé les couloirs du laboratoire quand son père avait voulu chercher des documents. Ses yeux de petite fille ne comprenaient pas très bien dans quel milieu impressionnant elle se trouvait. Elle se souvenait qu’elle regardait tout autour d'elle, qu’elle posait des questions sur ses énormes machines qui vrombissaient. Parfois, elle demandait le métier des gens qu'elle croisait.
Son père lui répondait toujours mais jamais dans l’entière vérité. Le secret faisait mal. Il continuait de l’engloutir.

Elle habitait chez sa tante désormais. Elle avait quinze ans. On disait toujours que tant qu’on avait de la famille on était bien protégé mais elle ne s’était jamais senti en sécurité et apaisé avec cette femme. Déjà ses deux fils n’arrêtaient pas de la rabaisser constamment. Ensuite sa tante ne faisait absolument rien pour protéger ce fardeau que le destin lui avait donné.

Le mensonge commençait à venir grignoter sa conscience. Elle était en train de l’accepter et de l’utiliser pour arriver à ses fins. Au fond peut-être n’a-t-elle jamais été la gentille petite fille à son papa. Peut-être qu’elle a toujours aspiré aux mensonges car la ville elle-même était un mensonge. Quand les gens naissent dans cette ambiance il est difficile pour eux de sortir de cette spirale infernale. Elle commença à accepter une partie du secret. Le fait de ne pas savoir ce qu’il était devenu et de ne pas avoir vu son corps. Elle ressentait toujours une douleur insupportable dans son cœur. Mais avec tout ça elle commençait à réussir à construire un mur autour de ses sentiments. À se sentir plus forte, capable de tout réussir.
Elle commença petit à petit à s'inventer une vie. Ce n’était pas une solution pourtant c’est de cette façon qu’elle était en train de réussir à atteindre son but ultime de devenir célèbre et s’entourer de personnes influentes. Douée au théâtre, elle décida à ses dix-huit ans d'entamer des études dans ce domaine artistique. Elle ne savait pas pourquoi cette volonté d’atteindre la vérité l'avait transformé en quelque chose de complexe et de difforme. Il lui arrivait de se demander comment aurait réagi son père en sachant que sa fille de 18 ans avait pris contact avec la rébellion pour combattre la ville qu’il l'avait vu grandir. Elle réclamait vengeance. Elle ne pouvait pas être apaisée tant qu’elle ne savait pas ce que son père était devenu et quels secrets il avait emportés.
L'idée ne lui était pas venue par hasard. Les agissements du groupe ne lui étaient pas inconnus. Il était difficile de ne pas s'intéresser à leurs actions. C'est sur le chemin jusqu'à l'agence qu'elle remarqua un jour qu'une personne se retrouvait toujours au même endroit à la même heure. Elle semblait s'intéresser à un bâtiment à coté du sien. La filature sembla durer une éternité. Un mois et demi très certainement. Son intérêt pour cette personne se transforma en obsession. Angelina était persuadée que cette personne était en mission pour le compte de la rébellion. Une certitude qu'elle avait besoin de confirmer. Par moment, malgré sa discrétion elle en venait à croiser le regard de la personne. Était-elle grillée ? Après tout elle passait toujours ici, il était normal qu'elle remarque une routine de cette personne, pas vrai ?
Un jour, elle décida de changer son programme. De modifier ses horaires pour intercepter cette personne. Elle avait écrit des informations brèves la concernant sur un bout de papier qu'elle comptait donner à l'individu. Qu'elle fût sa surprise quand elle arriva dans cette rue et qu'un canon était pointé vers son crâne. Le regard méfiant et mauvais de la personne n'avait pas manqué de lui faire reculer d'un pas. De la folie. Elle avait pensé cela au premier abord. Pourtant, elle n'avait pas reculé davantage, elle avait avancé sa jambe, le regard déterminé. Il serait de mauvais goût d'éliminer une personne qui souhaiterait se rendre utile pour une cause comme la vôtre. la bouche pâteuse elle avait réussi à parler, à maîtriser sa parole. Ils avaient échangé de courtes phrases et elle avait donné son papier. Ses yeux bleus n'avaient pas lâché sa cible une seule seconde et quelques longs mois plus tard, elle avait reçu un premier message sur sa boîte mail. Ce dont elle était sûre c'est qu'elle n'avait jamais donné son adresse mail.


Personne ne pouvait se douter qu’elle n’était que douleur intérieure. Elle avait tellement peur de partager aux gens qui l'entourait. À chaque moment de sa vie elle avait l’impression que les choses qu’elle disait pouvaient être utilisé contre elle. En tant qu’actrice et Étoile montante du cinéma, elle savait pertinemment qu’une parole non maîtrisée pouvait entraîner des problèmes.
Elle a appris à parler doucement et à maîtriser tout ce qu’elle disait. Elle choisit d’aller sur la voie du mensonge pour ne pas se perdre. Cela faisait doucement rire la jeune femme car c'était pour cette raison que son père est décédé. Car ceci elle en était sûre jamais s’il était encore en vie il aurait essayé de la retrouver ou de la contacter. Elle entend encore ses mots, elle était la prunelle de ses yeux et jamais il ne la laisserait tomber. La crainte qu’on utilise ses secrets contre elle lui fait peur et elle ne cherche pas à avoir de vrais confidents.

Son adolescence est un tissu de mensonges. Elle a commencé très tôt à se lier d'amitié avec des gens par intérêt. Elle discutait toujours dans un but précis pour atteindre quelqu’un de haut placé. Quand elle 23 ans elle rencontra son futur mari. Et ce n’était pas forcément ce charme fou qu’il l'avait fait tomber contrairement à ce qu’elle disait aux médias. Tous dans ses gestes pouvaient donné à croire qu'elle était folle amoureuse. En réalité elle savait que l’homme qu’elle était en train de charmer avait de nombreuses possibilités pour passer des portes d’entrées. L'homme avait 36 ans à ce moment là. Ses études en politique allaient forcément l'amener là où elle voulait aller. Leur écart d'âge ne manque pas de faire couler l'encre.

Les médias la dépeignaient comme une jeune femme agréable et chaleureuse alors qu’en réalité elle était avec lui que pour révéler ses secrets. Elle voulait voir le gouvernement tomber. Elle voulait voir les soldats d'hyperion à terre.
Mais si vous croyez que sa tâche était facile vous vous trompez lourdement. Car l’homme avec lequel elle s’est marié était loin d’être stupide et jamais il ne laissait les choses au hasard. Il faisait attention à tout ce qu’il faisait et disait. Être marié à un homme aussi intelligent ne voulait pas dire que toutes les informations étaient accessibles parce qu'elle était sa femme.