Histoire
X198 - Opportunity, Mayer venait juste de naître dans les locaux de la firme. Il était le fruit d'une expérience menée par le Docteur Lane, secondé par Rosenbaum qui deux ans plus tard, reprendrait la direction du projet suite à la nomination de Ray Lejuste à la tête d'Hyperion. D'après Lane et Rosenbaum, s'il était possible de créer des sirènes, il devait être tout aussi possible de synthétiser les expériences sur quelques sujets masculins. Et puisqu'il était difficile de domestiquer des cobayes déjà matures, élever un nourrisson dans cet unique but serait sans doute bien plus simple et concluant.
X198 à X208, Devon était l'un des premiers a avoir été créé pour rejoindre le programme d'une grande ampleur. Si son enfance fut aussi ordinaire que celle de tous les gamins bien lotis de cette planète, l'éducation en revanche n'était similaire en rien à celle que de simples parents, un père et une mère, pouvaient prodiguer à leur progéniture. S'il avait une mère, elle n'était que l'incubateur lui ayant permis de voir le jour, un simple utérus dans lequel il avait pu se développer, duquel on l'avait arraché à son premier cri, une femme n'ayant aucune attache avec lui, sinon un code génétique nécessaire à son bon développement. Hormis ces gênes, cette ressemblance physique, rien ne reliait l'enfant à sa génitrice. Cette dernière ne l'a pas élevé, elle a simplement été payée, grassement, pour ses services et a ensuite regagné les décors Pandoriens pour reprendre le cours de son existence comme si, de toute évidence, ces neuf mois de grossesse n'avaient jamais existé.
Devon a donc grandi auprès d'autres gamins dans son genre, tous élevés, comme on le fait avec le bétail ou des rats de laboratoire, dans l'unique but de répondre aux questions que se posaient les Dr Lane et Rosenbaum et les grosses têtes, avides de savoir et de pouvoir, de la firme à l'écusson blanc et or. S'il y avait des jeux, ils étaient tous basés sur l'intellect, s'il y avait des études, elles étaient toutes dirigées dans un unique but, faire d'eux de futurs soldats, serviables et loyales à leur véritable figure maternelle : Hyperion. Sans connaître autre chose, Mayer ne pouvait pas évoquer de malaise durant son enfance, sans pouvoir comparer, il lui est encore impossible, à l'heure actuelle, de trouver que son éducation manquait d'amour, de douceur, ou encore de simplicité. Il n'a connu que ça et est devenu tel qu'il est, aujourd'hui, grâce à ça. Façonné par Hyperion, éduqué par la firme, à l'âge de dix ans on jugeait les sujets mûres pour passer à la « phase 2 ». Suffisamment jeunes pour occulter les souffrances, presque les oublier une fois l'âge adulte atteint, suffisamment dociles pour obéir et avoir toute confiance en ce système bien particulier. A l'âge de dix ans on préparait ces cobayes bien mieux conditionnés que les quelques sujets capturés à l'extérieur, on leur injectait les premiers fluides et on leur demandait d'y résister, encore et encore, malgré la douleur atroce et les larmes qu'arrachaient les produits. Les plus faibles mourraient, et c'était légitime, normal pour les divers gamins qui ne succombaient pas. Ils en avaient conscience, comme ils avaient parfaitement conscience que la mort faisaient partie de l'existence, que les plus forts résistaient, subsistaient, et que les plus faibles eux, comme il en était cas dans la nature, s'éteignaient. Pour légitimer ça, le Docteur Rosenbaum invoquait la « sélection naturelle » et aucun d'eux, même si leurs rangs s'amoindrissaient au grès des diverses injections, ne trouvait à y redire. C'était comme une fierté de se savoir plus fort qu'un autre, une victoire que de s'imaginer ne pas ressortir de là et de comprendre qu'on avait été « choisi » pour perdurer et faire la fierté de cette mère sans d'autre visage qu'un logo bicolore.
X209 à X214, les expériences se poursuivaient, l'eridium entrait désormais en jeu et, suite aux expériences, on étudiait les sujets pour voir les petits plus générés par ce minéral très prisé. Si la colère habitait certains, on les emmenait et généralement plus personne ne les revoyait ensuite. « Sélection naturelle ». Les plus dociles, calmes, rejoignaient alors la phase 3. Composée des premiers entraînements physiques afin de maîtriser les aléas de la présence d'eridium, et les changements qu'il incombait, dans l'organisme, c'était comme un moyen d'apaiser le peu de gamins ayant survécu aux premières phases et de poursuivre leur éducation en s'assurant de leur grande loyauté présente et à venir. La fatigue octroyée par les entraînements était bénéfique ; la journée terminée, après leur repas, les sujets s'endormaient plus aisément et il était bien plus simple de poursuivre les expériences lorsqu'un nouveau jour se levait. Bien plus facile, là encore, d'étudier leur comportement lorsque les émotions n'interféraient en rien. Durant cinq ans le quotidien était donc rythmé par les entraînements, quelques interrogatoires visant à étudier la psyché des sujets restants et les divers injections visant à stabiliser l'organisme. Là encore les plus résistants, les plus dociles, les plus calmes, obtenaient le droit de recevoir l'injection qui stabilisait les changements cellulaires et psychomoteur, cette même injection qui offrait le « don » tant prisé et parfois incontrôlable. Devon a pris conscience du sien en X214 à l'âge de 16 ans, contrairement aux sirènes, aucun tatouage ne lézardait sa peau mais le pouvoir, aussi dangereux était-il, était bien présent. Les laborantins en ont rapidement pris connaissance, un simple geste, anodin, visant à aider le jeune homme à se remettre sur ses jambes. Une simple empoignade quotidienne, en apparence banale, au bras – contact paume/épiderme – et le scientifique succombait à une sorte de comas profond. Vidé de son énergie vitale, la victime ne ressentait plus rien, la souffrance du geste incombé au propriétaire du don dont le cœur atteignait un rythme fou et quasiment mortel. Dangereux certes, aussi bien pour la victime que pour le sujet qu'on dû reclure pour comprendre l'impact de son don.
X215 à X217, premièrement, Devon crut qu'il ne poursuivrait pas l'expérience, qu'il était jugé trop faible, et que cette réclusion ne prendrait fin que lorsqu'on aurait mis un terme à son existence. A l'écart, seul le Docteur Rosenbaum s'entretenait avec lui en ayant, au préalable, fait en sorte de garder ses distances ou préservé son épiderme de tout contact avec les mains du jeune homme. Les recherches prirent un temps considérable, de nombreuses simulations furent expérimentées, de toutes sortes, la conclusion était la même à chaque fois : syncope, comas, parfois même la mort des sujets vivants en contact avec les paumes du jeune Mayer. Aucune autre partie de son corps n'était capable d'absorber l'énergie de l'hôte ciblé, simplement les mains, les paumes de mains. Il était impensable pour Flick Rosendaum d'achever le sujet fascinant qu'était devenu Devon Mayer, et suite à une simple pensée, il fut donc décidé de couvrir, en permanence, les mains du jeune homme. Le résultat fut concluant, ainsi protégé de lui même tout en préservant son entourage, Mayer pouvait à nouveau poursuivre l'entraînement et rejoindre la dernière phase de l'expérience de laquelle, s'il y avait une vingtaine de sujets à son balbutiement, ne subsistait que trois sujets viables dont il faisait désormais partie. En X217, à dix neuf ans, Devon reprenait donc les entraînements quotidiens, l'apprentissage se poursuivait aussi bien physique que psychique et désormais un but leur était fixé ; rejoindre la sécurité, « l'armée » de leur mère Hyperion.
X218 à X 223, Pour récompense, suite à des années de travail acharné, et malgré le peu de taux de réussite durant toute l'expérience, le scientifique obtenait donc trois soldats génétiquement modifiés, parfaitement modelés et capables d'une grande loyauté, sans faille, à la société qu'ils serviraient jusqu'à leur dernier souffle. En X 219, à l'âge vingt et un an, Devon rejoignait donc les rangs des soldats et y rencontrait Clark Jensen. Plus âgé que lui, gradé même, ce type fut comme un mentor, un père, la figure paternelle, ou peut-être fraternelle, qu'il n'avait jamais eu. Ce fut Clark qui le guida dans ce nouveau cheminement, Clark qui lui apprit à manipuler de nouvelles armes dont celle pour laquelle Mayer eut un énorme intérêt : le fusil de précision. Son calme, cette plénitude dissimulant une impulsivité pourtant très présente chez le jeune homme, jouait en sa faveur en ce qui concernait le tir d'élite. L’entraînement dévia donc en ce sens, lui conférant une dextérité très louable qu'on ne qualifierait pourtant jamais de parfaite puisque, comme on le lui avait répété depuis son plus jeune âge, la perfection était une chimère inatteignable, il fallait certes la viser sans jamais s'en lasser, mais l'atteindre était presque impossible. Au grès des mois, Devon sut se faire une place dans cette élite Hyperionne et s'obtenir la confiance de ses pairs dont celle qu'il affectionnait plus que toutes les autres : celle du lieutenant Clark Jensen. Les premières missions s’enchaînèrent alors, il était bon, très bon, bon au point qu'enfin, après des années à vivre au sein même des locaux de la société, et contrairement à ses deux frères expérimentaux, Mayer eut droit à sa « liberté « personnelle. En X223, à l'âge de vingt cinq ans, Hyperion, conscient de sa loyauté, lui offrait un logement au sein même d'Opportunity et lui permettait d'embrasser une vie plus « ordinaire » comme la plupart des citoyens de Pandore. Clark était là pour l'aider là encore, mais la capacité d'adaptation du jeune homme fut plus aisée que la réclusion passée n'aurait pu le laisser croire.
X224 à X230, vie ordinaire, boulot en apparence tout aussi simple, l'existence de Devon était similaire en bien des points aux gens qu'il avait désormais l'occasion de fréquenter, croiser. Si on le trouvait agréable, simple mais peu loquasse, le jeune homme avait gagné sa place dans la vie dite « privée », c'était un peu comme une découverte différente, un cadeau offert par sa mère après de nombreuses années à avoir fait en sorte d'être à l'image qu'on désirait de lui. Son quotidien ne changeait que peu, sinon les entraînements journaliers, les missions, le reste n'était en somme qu'un bonus auquel il avait droit et qui lui donnait, plus encore, de confiance envers ses collègues et les grandes figures d'Hyperion. Les choses étaient simples, Hypérion gérait Pandore, les rebelles étaient leurs ennemis, et les ennemis devaient être éliminés tout bonnement. Seule la firme avait une valeur morale à ses yeux, il avait vu le jour grâce à elle et ne cesserait d'être fier d'elle comme il était fier qu'elle le soit de lui. Les années passèrent donc de cette manière sans que le jeune homme ne se lasse de cette existence, bien au contraire on lui avait donné l'opportunité de connaître, appréhender d'autres choses, dont les simplicités de la vie et les plaisirs plus physiques des choses dont il n'abusait pourtant pas malgré son physique agréable et sa tête plutôt bien remplie.
X232, la confiance, elle n'est pas facilement atteignable, mais lorsqu'on l'a, lorsqu'on l'obtient, alors les engrenages de l'existence disposent d'assez d'énergie pour tourner de la meilleure manière qui soit. Ce fut en X232 qu'on lui confia la sécurité d'une créature dite ingérable, sadique, folle. Cruelle au point qu'après des années plongée dans une léthargie glaciale pour préserver son enveloppe, et suite à une attaque rebelle sur le centre de cryogénisation dans lequel reposait son corps, cette dernière ne fit preuve d'aucune pitié. Clark et son équipe fut dépêché sur place suite au message d'alerte du centre, et si Devon s'attendait à devoir mettre un terme à l'existence des quelques rebelles ayant parasité le bon fonctionnement de la firme, il dut se rendre à l'évidence qu'elle l'avait fait bien avant que l'équipe arrive sur place. Une femme, blonde, eridium saillant contre sa peau, encore brillant d'avoir dû générer un don endormi depuis des années, peut-être même des siècles. Mayer n'avait encore jamais vu de sirène, contrairement à l'ennemi, le dernier, qui se tenait derrière elle et à qui, sans aucune hésitation et à des mètres de distance, il colla une balle dans le crâne pour le voir s'effondrer à ses pieds. Ce fut peut-être ce geste qui lui valu la confiance de cette fille qu'on disait inatteignable, cruelle au point de tuer sans aucune mesure ou raison, et ce fut sans doute cette même raison qui poussa Hypérion à lui confier la sécurité de cette précieuse sirène.