Gentil. Le mot la fit sourire, pour ne pas dire rire, car ce n'était clairement pas le qualificatif qui lui correspondait le mieux. Hannah en avait une liste en tête, fourbe, perfide, acerbe, intelligent, terrible sexy, scandaleux même, et d'autres qui la surprenaient beaucoup. D'autres qu'il devait emprunter à son autre, tenu au silence depuis la veille. En y pensant, face au miroir, Hannah espéra qu'Aaron ne vivait pas mal tout cela, était-il contrait et forcé de contempler son existence se jouer hors de son contrôle ? Elle lui avait assuré qu'il avait le contrôle, la révélation de la veille la poussait à confirmer cette pensée ; dans leur entremêlement de consciences, Aaron pouvait toujours décider d'occulter ou de vivre certaines choses.

La scientifique remisa pour l'instant toutes ces pensées dans un coin de son esprit, elle en chassa aussi tous souvenirs néfastes de Gabriel pour se concentrer sur lui, sur cette escapade avec lui. Lui qui était là, contre toute attente. Lui qui se souciait d'elle. Navette commandée, celle-ci ne tarda pas et les deux gagnèrent le véhicule où elle confirma l'adresse auprès du chauffeur. Un chauffeur dont le regard ne manqua pas de s'attarder à sa silhouette, plus encore à la main que Jenkins posa contre sa jambe.

Les vibrations de la navette meublèrent les premières secondes de trajet avant que la question de Dorian ne la sorte de ce calme. "Je décrypte des résultats de tests. Je les enregistre dans notre programme, et comme je suis bien plus intelligente et vive que les autres, je le fais bien plus vite." Un sourire étira ses lèvres, certains auraient pu voir de la vantardise de sa part et de la fénéantise de la part de ses collègues, Hannah n'y voyait qu'un simple ordre des choses. Si elle voulait avancer, elle devait avancer, les autres la pousseraient à faire du surplace, alors autant prendre les problèmes à bras le corps. "Je suppose que tu n'as pas été gentil Dorian ..." commenta-t-elle à propos de cette autre - Lara très certainement - avec qui il avait discuté. "Ca ne me dérange pas de te parler de ce que je fais, mais ... cela n'intéresse pas forcément toujours tout le monde. Et puis il faut y comprendre quelque chose aussi." Il était loin d'être stupide, peut-être y comprendrait-il quelque chose.

"Souviens toi de ce que je t'ai dit sur les fringues Dorian." plaisanta-t-elle dans un sourire, mordillant sa lèvre avant de venir caresser du bout des doigts l'esquisse de sa mâchoire. En revanche lorsque, après lui avoir demandé en quoi consister son travail, il évoqua la possibilité d'avoir été psychologue, Hannah ne retint pas un rire moqueur. "Tu vaux mieux que cette parodie de sciences, savoir naviguer entre les comportements humains ne fait de personne un génie et encore moins un docteur." S'approchant un peu plus, elle frôla ses lèvres des siennes. "Et puis tu serais déjà un trop bon sujet d'étude pour devenir celui qui fait l'étude Dorian." Deux personnalités, deux tempéraments, toujours en proie à de sévères conflits internes, une part de déni, une part de culpabilité. Les psychologues se le seraient arrachés plutôt que le laisser devenir comme eux. Cette psychologue l'a s'y était brûlée.

"Pour répondre à ta question" reprit-elle en se reculant à peine "Nous menons des essais, des tests, nous découpons des cerveaux de toute espèce à notre disposition, nous les passons au microscope, nous en faisons des électroencéphalogrammes, toutes ces choses que tu connais déjà, et nous les étudions, nous les comparons. Nous analysons comme l'eridium influence les mécanismes que l'on connait déjà, comment il en créé parfois de nouveau." Dans un haussement d'épaules, elle conclut le sujet, car détailler son travail l'intéressait, mais qu'elle ne pouvait pas le faire à loisir face à des oreilles indiscrètes comme celles qui trainaient entre le volant et le siège à l'avant.

D'un regard par la vitre, elle confirma qu'ils approchaient et demanda au chauffeur de les laisser descendre. Son interface ECHO bipa contre le compteur pour régler la course et elle sortit du véhicule, attendant que le brun ne la rejoigne pour enfin s'offrir la saveur de ses lèvres, sans pudeur aucune. Sous le regard du chauffeur qui dans le rétroviseur n'en rata pas une miette, sous le regard des passants dont certains manquèrent de les percuter. Sa langue glissa sur ses lèvres lorsqu'elle se recula à peine. "C'est agréable de pouvoir faire ça ..." Il comprendrait ce qu'elle voulait dire sans qu'elle n'ait besoin de préciser quoi. Laissant sa main glisser dans celle de Jenkins, Hannah lui désigna la vaste allée commerçante devant eux.

Un Oh étonné se dessina sur ses lèvres lorsque Dorian la corrigea, mentionnant précédemment Downs et non Lara. "Toutes mes excuses, je tâcherai de me souvenir que tu prends un malin plaisir à mettre toutes les personnes que tu croises dans l'embarras." plaisanta-t-elle, se fichant bien du sort de la psychologue. Elle ne l'avait jamais rencontrée, ne la rencontrerait sans doute jamais. Son rôle dans cette histoire était aux yeux de la brune terminée, elle avait entrainé Dorian sur une pente dangereuse qui n'avait fait que le ramener jusqu'à elle. L'image l'invita à sourire, continuant à échanger avec lui, qui n'était - et elle ne pourrait décemment pas le contredire là-dessus - pas n'importe qui. Il était le seul sujet avec lequel elle s'autorisait à parler. La plupart des expériences qu'ils menaient dans le laboratoire étaient sur des sujets morts ou alors en double-aveugle, donc elle-même n'échangeait aucun mot personnel avec les sujets. "Tu vas finir par prendre la grosse tête Dorian ... oh attends, c'est déjà le cas." ironisa-t-elle, ne lui en tenant absolument pas rigueur. En un sens, elle aimait cette assurance, il fallait en avoir pour se tenir près d'elle, tout autant qu'il fallait être intelligent, l'esprit affûté et une capacité à se faire discret quand elle le souhaitait.

La discussion prit fin lorsqu'ils approchèrent du centre commerçant de la ville. Ici, toutes marques de Jack avaient été effacées, la ville était devenue un véritable musée à la gloire d'Hyperion évidemment mais c'était la voix de Le Juste qui flottait dans les messages importants, la bonne parole d'Hyperion. Ici comme à Sanctuary tout était artificiel, la majeure partie de la végétation était fausse, sauf en de rares endroits, riches et très select, où l'on pouvait se permettre d'admirer de vraies plantes, de vraies fleurs. Tout était faux, et pourtant ils y avaient leur place, plus vrais, plus sincères que nature.

Elle la chercha encore cette sincérité vibrante, contre ses lèvres, contre sa langue, dans un baiser qu'elle ne voulut pas plus chaste, plus timide. Un rictus mourut contre ses lèvres à la réponse du brun. Elle réajusta son chemisier sans un regard pour les passants, glissant sa main dans la sienne, pour finalement répondre. "Hm non, ça, ça a déjà dû se produire une fois ou deux ..." Et sans en dire un mot de plus, elle pénétra en sa compagnie dans cette rue peuplée mais où l'on pouvait encore respirer.

Hannah le détailla un peu plus à la question qu'il lui posa. Elle n'y avait pas vraiment réfléchi, parce qu'elle aimait à le voir dans n'importe quelle tenue qu'il puisse porter. Sans doute encore mieux quand il n'en portait aucune. Mais ils étaient là pour faire du shopping, alors elle pouvait se prêter à l'exercice. Elle commença à y réfléchir en entrant à sa suite dans la première boutique venue. Elle put presque entendre les soupirs des vendeuses lorsqu'elles posèrent le regard sur lui, puis sur elle, l'envie et la déception.

"J'aime te voir en costume, tu dois reconnaître qu'Aaron a du goût. J'aime aussi te voir en tenue plus décontractée, comme dans cette salle de sport chez toi ... Et j'aime définitivement te voir entièrement nu mais si c'était une option valable pour les jours à venir nous ne serions pas là alors ... Oui, je suppose qu'un jean et une veste en cuir t'iraient à merveille." Parcourant d'un regard sérieux les divers rayons, Hannah sélectionna plusieurs jeans, vestes, chemises et t-shirts, tout dans un style qui saurait plaire à ce Jenkins-là, sans doute un peu moins à l'autre Jenkins qui préférait elle devait le reconnaître les tenues plus chics. "C'est amusant de voir que vos goûts peuvent diverger ainsi, sur les vêtements par exemple, mais se rejoindre parfaitement sur d'autres sujets ... Me concernant notamment."

Plusieurs vêtements entre les mains, elle les plaqua contre son torse pour l'inviter à passer à l'essayage. "Montre-moi à quel point j'aurai envie de t'arracher ces vêtements-là." lui murmura-t-elle dans un baiser avant de se reculer à peine pour le laisser retrouver la cabine.

Hannah esquissa un sourire, elle lui accordait aisément que toutes les occasions ne se prêtaient pas à porter un costume, mais le souvenir qu’elle gardait de lui en costume lui donnait l’envie de voir les occasions se multiplier. « Ou un aveugle, sourd … et sans doute triplé d’un con oui, bref quelqu’un qui multiplierait les handicaps. » Les bras chargés de vêtements pour lui, Hannah revint vers lui, pressa ses lèvres contre celles du brun sans la moindre pudeur lorsqu’il approfondit cet échange. Elle savait que toutes les personnes présentes dans la boutique les enviaient, homme comme femme ne rêvait que de partager la même passion, de profiter de la compagnie de ces deux êtres qui semblaient tout droit sortis d’un magazine.

Paumes pressées contre son torse, Hannah se délecta des réactions des autres clients et vendeurs présents dans la boutique aux mots qui filèrent les lèvres de Jenkins. « Plus vite tu essaies, plus vite nous allons au restaurant et donc plus vite nous rentrons. Plus vite nous rentrons, plus vite nous pourrons vérifier tout cela. » La brune s’installa sur un pouf face à la cabine, se plaisant à imaginer par les ombres qui dansaient au sol la tenue dans laquelle il se trouvait. Sa question la surprit, Hannah en haussa les sourcils. « Je n’en ai pas la moindre idée, que cela soit sur leur nombre ou sur leurs hypothétiques avantages. Je n’ai aucun intérêt pour ces histoires-là, aussi longtemps que les actionnaires acceptent de mettre de l’argent dans mes recherches. Tu aimerais investir ? » Un sourire étira ses lèvres avant qu’elle ne se relève du pouf alors que la porte de la cabine s’ouvrait pour le laisser passer, torse-nu, dans l’un des jeans sélectionnés par ses soins.

Plus loin, les vendeuses avaient des vapeurs, Gallagher elle le suivit du regard, mordillant sa lèvre, alors qu’il évoluait dans la boutique, vers les vestes en cuir dont il avait parlé juste avant. Elle ne répondit pas à ses mots, se contentant de garder son regard sur lui alors qu’il approchait. Elle contempla leurs reflets dans le miroir, frémissant au contact de ses doigts contre sa peau. « Je sais ce que tu essaies de faire Dorian. » Elle lui rendit son sourire, gardant son regard dans le sien. « Je n’aurais pas pu partir travailler à l’heure que je voulais si j’avais fait ça Dorian. Tu m’aurais mise en retard. » Dans ses bras, la brune fit volte-face, lançant un coup d’œil au portant des vestes qu’il avait regardé quelques secondes auparavant.

Le repoussant à peine, elle approcha du portant pour saisir une veste en cuir noir, revenant vers lui et réitérant le même geste, posant la veste contre lui pour le repousser vers la cabine d’essayage, s’y invitant cette fois avec lui. « Tu devrais éviter de sortir dans cette tenue, les vendeuses ne vont pas s’en remettre, et j’aimerais vous éviter d’avoir leur mort sur la conscience. » A l’abri derrière le battant de bois, Gallagher revint voler ses lèvres, laissant retomber au sol la veste en cuir, lui préférant la chaleur de sa peau. « Je te rappelle que l’on doit encore aller déjeuner. » souffla-t-elle, lascive, contre ses lèvres.

Prévisible, mais néanmoins la brune ne put s’empêcher d’en sourire alors que ses lèvres retrouvaient les siennes, s’en délectaient, que sa langue trouvait dans sa jumelle ce miroir de son envie. L’étoffe de sa jupe roula contre sa peau, un frisson glissa sur sa peau de l’endroit où les doigts de Jenkins glissa jusqu’au moindre centimètre de sa peau encore couverte. « La poésie serait son genre oui … mais je ne le vois pas faire ça Dorian. » Son Darcy à elle, peut-être bien, peut-être qu’Aaron avait cette part de folie en lui, empruntée à son double, mais l’original était sans doute bien trop guindé, et courtiser sa belle était déjà une épreuve en soi. Les souffles plus lourds quittant ses lèvres s’écrasèrent contre les siennes, tout autant que sa peau sembla l’appelait, et la remarque du brun, aveux soufflé dans un murmure, lui arracha un sourire. « Alors il n’est pas gaspillé … » Pour eux, pour ça, elle était prête à sacrifier beaucoup de temps, beaucoup de recherches, et d’analyses.

Lorsque ses doigts s’invitèrent sous la soie qui la couvrait, glissant contre ses chairs qui n’attendaient que lui, Hannah resserra les cuisses sur sa main alors que les siennes remontaient derrière sa nuque pour le garder contre elle. Mourir d’envie, avec lui, elle aurait bien pu y consentir, sans avoir pourtant la moindre envie de quitter ce monde. Mais elle le comprenait en un sens, se rappelant leur discussion, et mourir sous ces sensations délirantes, offerte à ses caresses, éperdue au plaisir, ce n’était pas le pire qui soit. Dans l’éventail de possibilités qui existaient pour quitter définitivement cette planète et l’existence, Hannah voulait bien signer pour s’assurer que ce serait dans ses bras qu’elle rendrait son dernier souffle. Le plus tard possible.

Elle étouffa un gémissement, mordant un peu plus sa lèvre pour tempérer les élans de son cœur, de son corps, sous ses attentions. Un rictus étira les lèvres de Gallagher à la jalousie, qu’elle ne peinait aucunement à imaginer, des vendeuses. « Elles ont déjà commencé à rendre l’âme à l’instant où nous sommes entrés dans cette boutique. » lui répondit-elle, la voix entrecoupée de souffles éloquents, avant qu’un hoquet de surprise ne file ses lèvres lorsqu’elle retrouva la paroi dans son dos. Ce fut un rire gavé d’envie qui lui succéda. « C’est plutôt étrange de t’entendre parler affaires alors que ta main est entre mes cuisses Dorian … » Son esprit n’oublierait pas l’idée pourtant, mais l’instant n’était, à ses yeux, pas le bon pour lui demander pourquoi.

Pour l’heure, c’était davantage son corps qui cherchait à lui répondre, à prolonger cette conversation. Pour l’heure, son sang brûlait dans ses veines. « Quant à cette mise en bouche … tu ne crois pas que ça serait dommage si elle nous coupait l’appétit ? » Ses mains glissèrent à ses tempes pour s’offrir son regard, voir à nouveau cette étincelle qui y brillait. « Tu n’imagines pas à quel point c’est … grisant de voir combien tu me veux dans ton regard et de le ressentir dans tes gestes … » Un baiser ponctua ses mots avant qu’elle ne le repousse, avec toute la volonté dont elle disposait encore. « Mais je pense qu’en terme d’amuse-bouche, c’est suffisant. Et je préfère t’avoir à moi, pleinement et entièrement, tout le reste de la journée qu’ici sans prendre le temps. » Peut-être s’agissait-il d’une maigre vengeance pour cette partie remise infligée la veille, mais Hannah s’en trouvait tout autant frustrée. Elle déglutit, réajustant ses vêtements avant de revenir lui murmurer à l’oreille. « Tu sais combien je suis gourmande, je préfère profiter de la formule complète, entrée, plat, et dessert. Maintenant, finis d’essayer ces vêtements et allons déjeuner Dorian. »

Prenant une grande inspiration, sourire rivé aux lèvres et cette envie toujours cuisante au creux des reins, Hannah poussa le battant de bois de la cabine pour s’en extirper sous le regard de deux vendeuses. Entre deux âges, une blonde et une brune, elles la détaillèrent toutes deux d’un regard interloqué. « Celle qui a dit que les hommes n’aimaient pas le shopping ne savait clairement pas comment le rendre intéressant. » Les deux vendeuses gloussèrent avant de repartir se perdre entre les rayons. Elles auraient de quoi raconter à leurs maris bedonnants le soir venu, rêveraient sans doute de lui qui devait la maudire pour l’attente infligée, mais Hannah n’en sourit que de plus belle, revenant se laisser tomber dans le pouf face à la cabine pour le laisser finir l’essayage.

Dans son esprit valsaient les images, vives, ô combien réelles, de leurs précédentes étreintes, de toutes ces fois où sa peau avait usé la sienne jusqu’à l’extase. Et les mots de Jenkins n’aidaient en rien, tournant en boucle, martelant ce désir cuisant qui la poussa à resserrer un peu plus les cuisses en patientant. A regret, hors de la cabine. La brune prit une longue inspiration, s’amusant des regards des vendeuses à son encontre et vers cette cabine de laquelle elles rêvaient, forcément, de voir sortir l’Apollon observé quelques instants plus tôt. C’était grisant de réaliser que cet homme, aussi complexe, agaçant, puisse-t-il être, lui était dévoué. Elle qui n’avait connu de relation que celle toxique, blessante, vécue avec cet homme marié qu’une part d’elle, pourtant et contre toute logique, admirait et aimait toujours, laissait là son esprit s’évader à cette sensation. Il était à elle. Celui que le monde connaissait comme Aaron Jenkins, qui n’était que la somme de ces deux personnalités si différentes.

Le battant de la cabine se rouvrit finalement sur sa carrure, Hannah se leva du pouf et avança vers lui, vers cette main tendue qu’elle saisit sans l’ombre d’une hésitation. Un nouveau baiser, tendre presque, logé dans son cou invita toutes les vendeuses à ruminer leur jalousie, leur admiration sans doute aussi. Gallagher n’en sourit que davantage. Devant la caisse, la scientifique roula des yeux à son petit manège. Tout n’était pour lui que prétexte à agacer, à mettre les gens dans l’embarras. Il l’avait tenté avec elle, sans grand succès puisqu’elle se fichait bien de son avis. Agacée, oui, mais Hannah avait été plus difficile à décontenancer que ces greluches cachées derrière des mètres de tissus plus ou moins riches. La brune ne prit pas la peine de saluer les vendeuses et autres caissières, quittant la boutique pour retrouver l’agitation de la rue.

« Tu doutes de ma capacité à faire deux choses en même temps Dorian, je vais finir par me vexer. » souffla-t-elle en lui offrant une moue faussement outrée. « Surprends-moi. » conclut-elle finalement en le poussant vers un restaurant tout proche. Celui où elle avait rencontré Aaron, décidé de l’aider à se débarrasser de lui désormais à son bras. Un serveur approcha, les accompagna à une table suffisamment éloignée de l’entrée pour leur offrir un peu de calme. « C’est ici que j’ai pris la décision de me débarrasser de toi. » lui lança-t-elle dans un sourire de défi en s’installant, lissant sa jupe sous ses fesses. « Et aujourd’hui nous revoilà ici, sans réel plan par rapport à tout ça. »

Tout cela. Eux. Eux, et elle. Hannah n’afficha pour autant aucune forme de doute, simplement amusée du parallèle de la situation. Sans prendre le temps de regarder la carte, elle commanda au serveur qui revint une salade du jour, légère et fruitée d’après les commentaires qu’il ne retint pas et dont elle se fichait parfaitement. « Un verre de vin rouge également, s’il vous plait. » ajouta-t-elle avant de laisser le brun passer sa commande. Elle l’observa, son regard rivé aux moindres détails de ses manières, avant de se délester d’un de ses escarpins sous la table, son pied venant glisser contre sa jambe. « Combien de temps comptes-tu rester ? » La question pourrait être comprise de deux façons, combien de temps resterait-il lui, privant Aaron de sa liberté d’exister, mais aussi combien de temps resterait-il ici à Opportunity, auprès d’elle. C’était ici le second sens qui l’intéressait mais l’autre ne la rendait pas moins curieuse.  

Sans plan. Dire qu'elle n'avait pas l'esprit en ébullition à y réfléchir aurait été mentir car Hannah avait besoin de penser, d'envisager les scénarios possibles. Ce n'était pas là un penchant angoissé mais bien son besoin d'évolution. La brune n'aimait pas les status quo, elle avait ce besoin de trouver des solutions, de décortiquer chaque situation et chaque individu comme elle l'aurait fait avec un cerveau. Scientifique et mécanique. Éliminer Dorian n'était plus une option, le tenir enfermé et impuissant dans l'esprit d'Aaron non plus. Mais elle n'imaginait pas encore les pousser à devenir un par crainte d'effacer ce qui les rendait chacun si particulier, important à ses yeux. "Ne me tente pas Dorian ... Même si ça ne serait pas un plan viable, Aaron disparaîtrait aussi ... Et je te l'ai dit, je n'ai envie de perdre aucun de vous deux." Et c'était pour l'heure ce qu'elle pouvait en dire de plus, de plus intime, de plus humain.

Dorian lui confia également ce qui s'était joué pour lui ici alors qu'elle échangeait avec son double. Un sourire étira ses lèvres alors que son pieds se glissait hors de son escarpin pour trouver sa jambe. En un frôlement, et alors que le serveur approchait, elle remonta contre l'étoffe flambante neuve qui le couvrait jusqu'à sentir ses doigts s'enrouler autour de sa cheville. Le serveur revint avec la bouteille de vin commandée, l'invitant à goûter le breuvage tout autant qu'elle, elle savourait ce contact. Doux, sensuel aussi, qu'ils étaient les seuls à savoir en train de se produire. Être avec lui, à lui, mais en conservant cette part d'intimité, sa liberté à elle également.

La question qui fila ses lèvres n'avait d'autre but que satisfaire sa curiosité, aucunement le pousser à partir. "Non." répondit elle simplement sans lâcher son regard. Elle n'en avait pas assez, n'avait même pas la sensation que cela soit possible. Tout allait vite, peut être trop, mais après des années à attendre dans l'ombre un dénouement dont elle doutait pourtant, ce qui se jouait entre eux était la chose la plus stimulante qu'elle ait vécue. "J'ai envie que tu restes pour l'instant. Toi, vous." Parce qu'elle avait encore besoin de se rassurer, peut être qu'il faudrait du temps pour cela mais elle ignorait combien de temps. Le temps qu'il fallait pour se remettre d'un traumatisme variait d'une personne à l'autre et la raison pour laquelle elle n'aimait pas ce fait, c'était qu'il n'était en rien quantifiable, régit par un code, des règles claires. Une blessure physique guérissait sur un laps de temps donné pour quiconque prenait soin de soi. La blessure infligée par Gabriel, celle gravée dans son être, dans son esprit, Hannah ne savait combien de temps elle reviendrait la hanter. "J'ai besoin de vous deux, et j'aurai besoin de parler à Aaron mais ... Je suppose quand il s'en sentira prêt. J'aimerais juste ... Qu'il sache que je ne compte pas le faire disparaitre lui." Sa main vint chercher celle du brun, espérant par leurs doigts entremêlés le rassurer, au travers de celui qui lui faisait face à cet instant.

Prenant une grande inspiration alors que le serveur déposait devant eux leurs assiettes, Gallagher plissa les yeux en observant Jenkins. "Est ce que tu me permets quelques questions Dorian ? Simplement pour satisfaire ma curiosité ... De scientifique dirons nous." Elle goûta à son plat avant de reprendre. "Pourquoi as tu besoin de ... Tenir les gens en laisse ? Que fais tu exactement ?" L'hôtel ne lui paraissait pas nécessiter autant de surveillance ou de contrôle, tout du moins Lara sur place devait pouvoir le gérer. Il avait mentionné, lui semblait-il, un business assez étendu mais elle avait assimilé ça aux nombreux établissements de Palm Springs, rien qui ne nécessitait à ses yeux de diriger d'une main de fer un genre d'empire. "Le mystère est sexy, terriblement excitant, tout autant que t'imaginer dans ce rôle ... Autoritaire. Mais ... Ma curiosité est piquée." ajouta-t-elle dans une sourire.